molécule méthyl

La méthylation est une des plus importantes réactions de notre corps, nécessaire à notre bonne santé et un pilier de la longévité.

Peu connue, elle est pourtant très liée au vieillissement et à ses maladies. Il vaut la peine de s’y intéresser, d’autant plus qu’on peut l’améliorer si besoin.

La méthylation c’est quoi ?

Très utilisée par l’organisme, la méthylation régule et équilibre de nombreuses réactions (plusieurs centaines) comme, par exemple : l’activité hormonale, la fabrication de protéines, la modulation de l’immunité, l’expression de nos gènes, etc… Elle régule aussi, dans le cerveau, la fabrication de plusieurs neurotransmetteurs comme l’adrénaline, l’acétylcholine, la sérotonine, la mélatonine…

C’est, en particulier, un des principaux piliers de la longévité car la méthylation contribue à la configuration de notre ADN (pour un fonctionnement approprié de nos cellules) et à sa réparation permanente. Idem pour nos cellules endommagées qui, sans cela peuvent devenir cancéreuses (Feinberg & Vogelstein 1983).

Le nombre de sites de méthylation qui s’accumulent sur notre ADN semble être un marqueur d’âge biologique intéressant et prédicteur de longévité.

Lors de la méthylation, il y a transfert de ce qu’on appelle un « groupe méthyle » (1 atome de carbone et 3 d’hydrogène : CH3) d’une molécule du corps vers une autre. Cette réaction va, en fait, rendre plus stable cette dernière.

  • La méthylation des lipides (graisses) joue un rôle dans le maintien de la souplesse et de la perméabilité des membranes cellulaires, permettant ainsi de bons échanges entre les cellules.
  • La méthylation permet la fabrication du glutathion, un de nos antioxydants et détoxicants majeurs, mais aussi du coenzyme Q10, de la carnitine, de la cystéine, taurine
  • Au niveau du foie, elle participe aux réactions de détoxication hépatique, en neutralisant des substances toxiques et en favorisant leur élimination. Notamment, elle convertit les oestrogènes en une forme moins cancérigène.
  • Enfin, la méthylation de notre ADN est un aspect majeur de ce processus. Elle permet de moduler l’expression des gènes de nos chromosomes. C’est l’épigénétique : notre façon de fonctionner n’est pas figée par notre hérédité mais nos gènes peuvent s’exprimer ou pas grâce à ce processus de méthylation, entre autres. Ainsi, contrairement à ce que l’on a cru longtemps, l’influence de notre génétique peut être modifiée selon notre environnement, notre nourriture, des médicaments, notre hygiène de vie, notre stress, notre mental, etc… Ces facteurs environnementaux compteraient même 3 fois plus que notre hérédité (voir notre article sur l’épigénétique ici).

Méthylation et vieillissement

L’activité globale de méthylation décline avec l’âge, y compris sur notre ADN. On pense que ce ralentissement contribue au vieillissement et au développement des maladies de dégénérescence. Cependant, il est probable que cette baisse de méthylation soit en grande partie la conséquence du mode de vie moderne (pollution, malbouffe, stress permanent, etc…).

Les maladies liées à une mauvaise méthylation

Une baisse importante de la méthylation globale peut se traduire par un vieillissement accéléré mais également par l’apparition de cancers, de diabètes, de maladies cardio-vasculaires, d’états dépressifs, de démence sénile (Alzheimer), de maladie de Parkinson, de fibromyalgies, de troubles hépatiques, etc…

Typiquement, la fatigue chronique et les troubles neurologiques tels que l’insomnie, l’humeur dépressive et l’anxiété sont dits « liés » à une faible méthylation. Ce sont en fait les conséquences de divers stress souvent permanents mais ils sont aggravés par une méthylation de piètre qualité.

Méthylation et longévité

La méthylation est impliquée dans l’expression des gènes et dans la réparation continue de notre ADN. Elle aide aussi à conserver la longueur de ses télomères, celle-ci étant corrélée à la longévité. Ainsi, il a été démontré que de nombreuses maladies dégénératives liées au vieillissement sont corrélées à une baisse de méthylation.

ADN et genes methyles

Il semble que l’observation des groupes méthyles fixés sur notre ADN puisse définir notre âge biologique, et être prédictive de notre longévité. Ainsi, des tests sanguins sont maintenant proposés à cet effet pour quelques centaines d’euros.

Les signes d’une mauvaise méthylation

Les symptômes et maladies vues plus haut peuvent faire penser à des troubles de la méthylation.

Sur le plan biologique, et en essayant de faire simple, disons que dans « le cycle de la méthylation » (voir schéma), c’est la méthionine (un acide aminé essentiel) qui va donner ces fameux groupements méthyle qui serviront à différentes fonctions comme on l’a vu. Elle va alors se transformer en homocystéine.

Lorsque tout va bien, l’homocystéine est ensuite transformée en glutathion ou reconvertie en méthionine (en captant cette fois un groupe méthyle). On remarquera sur le schéma que les vitamines B6,B9, B12, et les minéraux comme le magnésium, le zinc et le manganèse sont nécessaires à toutes ces réactions, au sein de nos cellules.

En fait, l’homocystéine est un acide aminé toxique qui ne doit pas avoir un niveau trop élevé dans le sang. Son dosage peut se faire facilement. Un taux sanguin d’homocystéine trop élevé peut être révélateur d’une méthylation incorrecte. Il est lié à un risque accru de maladies cardiovasculaires mais aussi de troubles neurologiques (voire cancéreux).

Les autres marqueurs d’un manque de méthylation sont :
– un taux d’histamine sanguine trop élevé,
– des globules rouges trop gros,
– une anémie,
– un acide méthylmalonique élevé (dans le sang ou les urines)…

Quelques rares laboratoires proposent des tests évaluant spécialement la méthylation.

Ce qui diminue la méthylation dans l’organisme

Il s’agit surtout de ce qui réduit l’apport de « donneurs de méthyle » dans l’alimentation, en particulier :

– le manque de végétaux qui entraîne des carences en vitamines B6, B12, bétaïne et folates (B9) participant à la méthylation. L’alimentation moderne est trop basée sur les céréales, farineux et viandes, à tel point que beaucoup de produits de l’industrie alimentaire sont enrichis artificiellement en vitamines B.
– les problèmes d’absorption digestive (notamment le manque d’acidité produite par l’estomac), et les intolérances alimentaires,
l’excès de protéines animales qui entraîne un apport trop important de méthionine. En effet, la méthionine fait partie des 8 acides aminés indispensables et elle favorise la méthylation mais un apport trop important va, à l’inverse, empêcher la conversion de l’homocystéine qui va alors s’accumuler dans le corps. Là encore, il faut la juste dose : un excès de méthionine ou de SAMe (qui se prend aussi en complément alimentaire) va conduire à un excès de méthylation qui n’est pas bon non plus.

D’autres facteurs interviennent défavorablement :

– le tabac et les gaz d’échappement inactivent la vitamine B6,
– l’inflammation et les infections chroniques : elles consomment beaucoup de groupes méthyles,
– les aliments grillés, carbonisés,
– certains médicaments : antiacides digestifs, contraceptifs, méthotrexate…
– l’excès de cuivre, le mercure et autres métaux lourds, qui interfèrent avec la méthylation,
– des taux sanguins de glucose trop élevés (attention donc aux sucres) et l’insulinorésistance
– les produits toxiques pour le foie…

Enfin, il semble que, de nos jours, la génétique d’environ 1 personne sur 2 ne permet pas de fabriquer une enzyme (5-MTHF réductase) très importante pour la méthylation. Ces personnes sont plus facilement concernées par les syndromes de fatigue chronique, fibromyalgies, maladie de Parkinson… Elles doivent d’autant plus veiller à une bonne hygiène alimentaire pour compenser cette carence. Certains laboratoires peuvent effectuer une recherche de mutation de gène de la 5-MTHF réductase.

Comment optimiser ou améliorer sa méthylation

Un organisme en bonne santé fabrique beaucoup de groupes méthyles et aucune supplémentation particulière n’est nécessaire, sinon une bonne hygiène de vie. Voici les points importants.

Les bonnes habitudes alimentaires

salade pourpierCertains aliments sont riches en groupes méthyles : la quinoa, les betteraves, les végétaux verts foncés cuisinés comme les épinards ou le brocoli, le jaune d’oeuf, l’agneau, le poulet…

Veillez à avoir un apport de soufre suffisant : il y en a dans l’ail, l’oignon, les crucifères, le jaune d’oeuf, le poisson… Le soufre est nécessaire au transfert des groupes méthyles.

Evitez le sucre qui diminue vos réserves de vitamines.
Evitez le tabac, l’alcool, la caféine qui limitent l’activité des vitamines du groupe B.
Veillez à conserver une bonne flore intestinale pour l’absorption des vitamines, en particulier en mangeant des végétaux riches en fibres et peu ou pas raffinés.

L’apport de vitamines B

En cas d’augmentation d’homocystéine sanguine, un apport de vitamines B2, B6, B9 et B12 qui participent au cycle de méthylation peut souvent régler le problème (à condition, bien sûr d’avoir les bonnes habitudes de vie vues ci-dessus).

On peut chercher les vitamines B et surtout les folates (vitamine B9) dans son alimentation (céréales complètes, haricots, noix, poissons, oeufs, banane, avocats, graines…). Il est aussi possible de se supplémenter avec de la levure de bière ou des multivitamines B, ou certaines vitamines B prises séparément.

Les donneurs de groupements méthyles

Pour améliorer les réactions de méthylation qui diminuent avec le vieillissement, certains auteurs préconisent la prise d’acides aminés comme la S-adénosyl-méthionine (SAMe) ou la Triméthylglycine (bétaïne). On y associe souvent des vitamines du groupe B dont on a déjà parlé.

De plus, les apports en magnésium et en zinc doivent être suffisants car ces deux éléments participent au cycle de la méthylation.

La SAMe est à la base des réactions de méthylation. Elle est fabriquée par notre corps à partir de la méthionine et d’ATP (le carburant énergétique de nos cellules fabriqué dans nos mitochondries*). Les vitamines B6, B9 et B12 sont indispensables à cette fabrication.

La SAMe permet d’activer la dégradation de l’homocystéine. Elle est classiquement utilisée en médecine anti-âge pour lutter contre les douleurs articulaires, les troubles dépressifs, les maladies cardiovasculaires, et pour aider les réactions de détoxication hépatique. De nombreuses études soulignent ses effets. Elle est plutôt indiquée après la cinquantaine, et ne doit pas être surdosée sous peine d’avoir l’effet inverse.

La bétaïne (ou triméthylglycine) est généralement tirée de la betterave pour être utilisée chez l’homme. Elle apporte des ions méthyle et favorise la baisse de l’homocystéine sanguine en la retransformant en méthionine. Elle soutient l’activité hépatique, et permet aussi la production de SAMe. La dose utile quotidienne se situe entre 0.5 et 3 grammes selon les personnes.

Le glutathion est un antioxydant majeur du corps avec lequel on peut se complémenter, et qui apportera aussi des groupes méthyles.

Les autres nutriments qui font baisser l’homocystéine

Le dosage sanguin d’homocystéine n’est pas très connu ni très utilisé en médecine conventionnelle en France. Il n’est d’ailleurs pas remboursé. Il est, en revanche bien plus considéré aux USA par exemple. Si l’on est prédisposé aux affections dont on a parlé plus haut, il peut être intéressant de connaître son taux sanguin. Au moins, on entreprendra pas un traitement pour la faire baisser si elle est normale.

La glycine est encore un acide aminé intéressant ici. Elle favorise la transformation de l’homocystéine en cystéine puis en glutathion. Il est bien possible que notre alimentation moderne soit devenue trop pauvre en glycine. Constituant du collagène, la glycine est concentrée dans les os, la peau, les cartilages et tendons… des animaux. Il est vrai qu’aujourd’hui ces aliments sont peu présents dans notre assiette. La supplémentation peut être intéressante avec l’avancée en âge.

La choline, considérée par certains comme une vitamine du groupe B, peut se transformer en bétaïne toujours pour reconvertir l’homocystéine en méthionine. On la trouve dans le jaune d’oeuf, le foie, la viande de porc, le germe de blé, le soja, le brocoli… Là encore, les analyses des bases de données montrent que le manque de choline est très fréquent chez l’homme (Jensen et al.,2007). Il pourrait favoriser l’accumulation d’homocystéine.

Les plantes activant la méthylation

Certaines plantes sont intéressantes dans ce but :

  • l’andrographis : connu pour stimuler l’immunité, anti-infectieux et activant la digestion,
  • le chardon marie : un grand remède du foie,
  • le champignon reishi : un classique des stimulants adaptogènes…

En conclusion

En médecine anti-âge, les réactions de méthylation dans notre corps sont beaucoup moins populaires que les réactions d’oxydation ou de glycation, par exemple. Pourtant, elles sont tout aussi importantes pour la forme et la longévité.

La méthylation de l’ADN est liée à l’âge et sa diminution globale peut avoir des conséquences sur la régulation de l’expression des gènes liés au vieillissement et aux maladies liées à l’âge

En particulier, une pauvre méthylation peut laisser s’exprimer des gènes de façon anarchique, et faire le lit de maladies de dégénérescence.

Le mode de vie sain et actif, une bonne gestion du stress, l’évitement des toxiques (tabac, alcool, médicaments…) sont les fondamentaux.

De plus, certaines carences nutritionnelles sont assez fréquentes aujourd’hui :

  • Magnésium
  • Zinc
  • Choline
  • Glycine
  • Vitamines B…

En évitant de manquer de ces nutriments, et en contrôlant que votre méthylation soit correcte, par votre hygiène de vie et d’éventuelles complémentations ponctuelles, vous pouvez vous protéger de nombreuses maladies liées au vieillissement, et optimiser ainsi votre longévité.

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