Cellule devenant senescente

Avec l’âge, notre corps accumule des cellules devenues « vieilles » et fonctionnant mal : les « cellules sénescentes« . C’est une des causes majeures du vieillissement et de la baisse de performance. Or, il serait possible de les éliminer pour un effet rajeunissant…

La recherche nous montre aujourd’hui qu’il est possible de réduire leur nombre et d’obtenir ainsi un véritable rajeunissement des tissus et des organes. Cela permettrait aussi d’éviter les maladies de dégénérescence, et d’augmenter la longévité… Il pourrait s’agir d’une des principales voies pour lutter contre le vieillissement. Intéressant si cela se vérifie. C’est ce que nous allons voir ici.

Les cellules sénescentes

Il s’agit de cellules qui cessent en fait leur cycle normal où elles se divisent pour se renouveler mais qui n’entrent pas, pour autant, en mort cellulaire comme elles devraient normalement le faire par une sorte de « suicide cellulaire » (appelé apoptose). Elles restent donc présentes dans nos tissus mais ne fonctionnent plus bien.

En principe, le corps sait éliminer ces cellules indésirables lorsqu’elles s’accumulent, grâce à son système immunitaire mais, avec l’âge, l’immunité s’affaiblit. Le corps a alors du mal à gérer le processus de « sénescence cellulaire ». Il devient débordé. Il vieillit.

Caractéristiques des cellules sénescentes

Les cellules sénescentes sécrètent des substances pouvant être dosées en laboratoire. Elles possèdent des marqueurs qui permettent de les repérer. On leur connaît ainsi certaines caractéristiques :

  • Leur ADN présente des anomalies : il est plus ou moins altéré et la chromatine qui lui donne sa structure devient aussi anormale. Les télomères de cet ADN (voir ici) sont souvent trop courts, ce qui constitue d’ailleurs un marqueur bien connu du vieillissement.
  • Leurs mitochondries* sont déficientes, et produisent trop de radicaux libres, une cause supplémentaire de vieillissement accéléré.
  • Les cellules sénescentes ne répondent plus aux facteurs de croissance.
  • Elles secrètent des substances qui favorisent l’inflammation.

Effets de la sénescence cellulaire sur notre corps

En fait, l’accumulation des cellules sénescentes dans nos tissus mène aux effets bien connus du vieillissement (détaillés ici). Ainsi, il a été montré, chez la souris, que l’augmentation des cellules sénescentes induisait des troubles de santé dégénératifs et, qu’à l’inverse, réduire leur nombre permettait d’améliorer cette dégénérescence (par exemple, dans l’ostéo-arthrite), et d’améliorer la longévité (1)(2).

Lorsqu’elles sont trop nombreuses, les cellules sénescentes, devenues toxiques pour les cellules voisines, encombrent inutilement nos tissus et les rendent moins fonctionnels (ils deviennent « vieux »). En particulier, ces cellules créent de l’inflammation, et la performance de nos organes s’en ressent. Par exemple, une peau qui vieillit perd son élasticité, son tonus, son épaisseur, son éclat… en grande partie à cause des cellules sénescentes qui y sont accumulées avec l’âge.

Il est apparu que l’augmentation du nombre de cellules sénescentes est corrélée aux maladies chroniques liées au vieillissement, et à un système immunitaire affaibli, incapable de les éliminer correctement.

Ces dernières années, l’étude de la sénescence cellulaire fait de plus en plus parler d’elle, du fait qu’en la traitant avec des « sénolytiques« , on a pu inverser différents processus liés au vieillissement.

Qu’est-ce qu’un traitement sénolytique ou anti-sénescent ?

Un traitement « sénolytique » est une voie récente de lutte contre les effets du vieillissement, comme le sont aussi la lutte contre l’oxydation ou contre la glycation, la protection de nos télomères ou de notre ADN, la régénération des protéines cellulaires par autophagie, la stimulation des cellules souches, etc… Cette approche peut même être classées parmi les soins capables de rajeunir et inverser le vieillissement.

Aujourd’hui, on connaît plusieurs substances, chimiques ou naturelles, capables de favoriser l’élimination des cellules sénescentes. Ces dernières années, de nombreux scientifiques étudiant le vieillissement humain s’attardent de plus en plus sur ces sénolytiques. Il y a deux voies intéressantes à ce jour :

  • rendre les cellules sénescentes à nouveau actives
  • rétablir une élimination suffisante de ces vieilles cellules, par exemple en améliorant les défenses immunitaires.

Notre système immunitaire : l’anti-sénescent n°1

C’est ce que montre une étude de l’Institut scientifique Weizman sur des souris. En favorisant l’accumulation de cellules sénescentes, par affaiblissement du système immunitaire, le taux de maladies liées à l’âge augmente. Puis, en injectant un médicament appelé ABT-737 (un sénolytique), les souris traitées montrent une amélioration nette de leur état physique et de leurs performances.

cellules dans un tissu biologiqueL’étude prouve que le système immunitaire joue un rôle déterminant dans l’élimination des cellules sénescentes, et que sa dégradation peut entraîner le développement des pathologies liées à l’âge. On sait aussi que nos défenses faiblissent avec l’âge surtout après 60 ans.

Il apparaît donc qu’améliorer notre immunité est déjà une voie royale pour aller vers des processus de rajeunissement naturel du corps.

Des études ont déjà montré l’importance des défenses immunitaires pour la longévité, et même pour inverser le vieillissement, comme dans cet article où il est question de régénérer notre thymus.

Par ailleurs, la médecine ayurvédique décrit un des principes majeurs de la santé : « Ojas », l’essence de vie présente dans tout notre corps, et qui lui donne sa vitalité. Or, dans sa description, Ojas est très liée à notre système immunitaire, et l’ayurveda nous apprend à le préserver par des techniques traditionnelles que l’on retrouve aujourd’hui en médecine anti-âge.

Ainsi, conserver une bonne immunité est un des moyens d’améliorer la longévité et de retarder l’apparition des maladies liées à l’âge.

Des souris physiquement rajeunies avec des sénolytiques

Une étude qui fait repousser des poils

D’autres chercheurs ont pu inverser le processus du vieillissement chez des rongeurs, en les débarrassant de leurs cellules sénescentes. Les souris traitées ont pu courir deux fois plus loin que les souris non traitées, leur fourrure a repoussé, elles sont redevenues plus actives, et le fonctionnement de leurs reins s’est amélioré (voir cette étude de 2017) .

Les limites de l’étude

Voila qui interpelle ! Ici, ces cellules sénescentes ont été éliminées avec un médicament expérimental (FOXO4-DRI) capable de les « réveiller » et de les forcer à se détruire par apoptose (le fameux suicide cellulaire). Toutefois, s’agissant d’un composé synthétique issu de la recherche, l’utilisation chez l’homme reste hasardeuse.

Déjà en 2016, des résultats avaient été obtenus selon ce principe d’élimination des cellules sénescentes avec une autre molécule de synthèse (voir ici), et avaient permis un rallongement de la durée de vie des souris de 20%. Ce résultat reste cependant modeste quand on sait que la simple restriction calorique, chez les souris, peut les faire vivre 30 à 40% plus longtemps.

En revanche, les améliorations physiques, la repousse du pelage (soit un vrai effet de « rajeunissement ») sont impressionnantes dans cette étude, ce que n’a pas montré la restriction calorique.

Dès lors, certains font des plans sur FOXO4-dri car, n’ayant pas montré d’effets indésirables lors de l’application chez la souris, il s’agit peut-être du sénolytique le plus efficace et le moins risqué. Affaire à suivre donc…

Les sénolytiques rajeunissent au moins les souris

D’autres chercheurs ont utilisé un traitement sénolytique associant 2 produits : la quercétine (un antioxydant connu) et le dasatinib (un anticancéreux). Il ont ainsi pu détruire des cellules sénescentes et réduire l’inflammation qu’elles entraînaient. La durée de vie de rongeurs fut augmentée de 36%, avec moins de maladies (2) voir l’article dans la revue Nature.

Vers un nouveau traitement anti-âge ?

Il est passionnant de voir que la suppression de ces cellules peut inverser le vieillissement sur plusieurs points. Il faudra voir quels sont les effets réels chez l’homme, et surtout, l’absence d’effets secondaires indésirables. En fait, la question est : comment éliminer ces vieilles cellules encombrantes par des méthodes naturelles et respectueuses de notre équilibre de santé ?

Ne nous emballons pas trop vite comme certains médias qui ont déjà vu dans ces produits un nouveau remède pour faire repousser les cheveux. Même si on peut y songer, c’est encore une autre histoire.

Réduire nos cellules sénescentes semble effectivement très prometteur, et différentes études ont montré un véritable rajeunissement des tissus qui retrouvent alors de meilleures fonctions.

Intéressant aussi, et encore mieux : l’étude précédente relève que la capacité de l’immunité du corps à éliminer ses cellules sénescentes vient de 30% de sa génétique innée et pour 70% des facteurs d’environnement, soit de l’hygiène de vie. Voila donc de quoi nous encourager à y porter une attention particulière.

couple de seniors en formeA voir chez l’homme…

Quant aux traitements, il reste encore à voir leur efficacité et leurs effets secondaires possibles sur l’homme. Cela a déjà commencé dans cette étude. Bien que faite chez des sujets atteints de maladie grave, les résultats seraient néanmoins encourageants.

Il semble qu’à un âge avancé, jusqu’à 15% de nos cellules puissent se retrouver sénescentes, et qu’il faudrait en détruire un tiers environ pour obtenir des résultats tangibles (6)

La rapamycine, connue pour allonger la durée de vie et réduire l’incidence des maladies dégénératives dans les études sur les souris, serait capable d’empêcher les cellules sénescentes de secréter leurs substances toxiques (13). Cette substance a été très étudiée en anti-âge. Il s’agit toutefois d’un médicament immuno-supresseur, pouvant entraîner de graves effets secondaires.

En dehors des molécules expérimentales et des médications lourdes, notons qu’un traitement par la metformine aurait une activité sénolytique (3). Il s’agit d’un antidiabétique utilisé depuis des décennies, présentant peu d’effets indésirables, et dont des études assez récentes ont montré qu’elle pourrait améliorer la longévité. La metformine agit en neutralisant les sécrétions toxiques des cellules sénescentes mais elle ne les élimine pas.

Quels produits naturels sont sénolytiques ?

En attendant que soit découverte la molécule capable de détruire nos cellules sénescentes sans aucun danger ni effet collatéral, nous allons nous intéresser aux substances naturelles ayant fait leur preuve car il y en a.

La fisétine

Il y a peu de temps, des chercheurs de l’Université du Minnesota et de la Mayo Clinic ont relevé qu’une molécule végétale présente dans de nombreux aliments (dont la fraise et certaines algues) pouvait améliorer la longévité, en aidant le corps à éliminer ses cellules vieillies et endommagées. Il s’agit de la fisétine, de la famille des flavonols (des antioxydants), trouvée dans les fruits et légumes, et qui est bien un sénolytique.

Les scientifiques ont ainsi pu traiter des souris âgées, améliorer leur état de santé et allonger leur durée de vie. Le plus intéressant est que ces résultats positifs ont été obtenus sur des animaux en fin de vie. Il n’a pas fallu les traiter tout au long de leur existence pour avoir ces bénéfices de longévité. En d’autre termes : un état de vieillissement même avancé peut être amélioré de cette façon (chez la souris, en tout cas).

Il reste quand même à savoir si ce résultat peut s’appliquer à l’être humain, à quelles doses la fisétine pourrait diminuer nos cellules sénescentes, et si cela n’engendre pas d’effets indésirables (même si c’est naturel)…

La quercétine

Elle a surtout été employée en association avec le dasatinib, mais elle a montré aussi un effet, employée seule (5). Il s’agit d’un antioxydant flavonoïde provenant des végétaux (en particulier pomme, oignon), utilisé couramment en complément alimentaire.

Il semble qu’une dose quotidienne de 50mg/kilo de poids chez l’homme reproduise les mêmes concentrations dans les tissus que celles obtenues dans l’étude sur les souris, ayant un effet sénolytique.

Elle est connue aussi pour protéger de certaines maladies cardiovasculaires (accidents vasculaires cérébraux, infarctus…) (7)

Son action pourrait être renforcée par le resvératrol dont on connait les nombreuses propriétés anti-âge (9)(8).

Autres substances sénolytiques naturelles

Parmi les quelques molécules pour qui on a pu montrer une activité sénolytique, la piperlongumine (une molécule issue du poivre long) a l’avantage d’être très peu toxique et facilement assimilable par voie digestive. Elle est capable d’induire l’apoptose, soit de forcer les cellules sénescentes à s’auto-détruire.

La curcumine et les molécules analogues en sont aussi capables, d’après certaines études (11)(12).

L’herbe japonaise ashitaba utilisée traditionnellement contre l’hypertension et les troubles digestifs, ferait de même.

Notons aussi que l’hydroxybutyrate, produit notamment par notre corps pendant le jeûne ou lors d’un état de cétose (obtenu par la restriction des glucides alimentaires), possède également un effet sénolytique (voir l’étude).

Récemment, l’effet sénolytique de l’oxygénothérapie hyper-barre (caissons à oxygène) a été mis en évidence.

Enfin, sachez que l’exercice physique peut aussi avoir cet effet de sénolyse. Il stimulerait la capacité de notre système immunitaire à reconnaître et détruire les cellules sénescentes (14). Dans une étude sur des souris nourries avec une alimentation type « fast-food », l’accumulation de cellules sénescentes est moins importante lorsque de l’exercice est pratiqué (10).

En conclusion

Eliminer les cellules sénescentes est très séduisant. C’est une voie encore peu explorée dans la médecine anti-âge mais qui parait très intéressante. Jusqu’à présent, il a surtout été question de lutter contre l’oxydation, l’inflammation chronique, la glycation… de stimuler nos mécanismes de régénération cellulaire et de production énergétique mais pas d’éliminer ces cellules qui font que notre corps devient vieux et usé.

La chasse aux cellules « zombies » est donc ouverte.

Les spécialistes en la matière, comme le Dr Judith Campisi, expliquent cependant que les cellules sénescentes semblent aussi jouer un rôle salutaire lorsqu’elles ne sont pas trop envahissantes. La bonne mesure serait, comme toujours, de trouver un équilibre entre le « trop » et le « pas assez ».

En attendant des traitements sénolytiques, qui seraient spécifiquement dédiés au « rajeunissement », booster ses défenses immunitaires apparaît comme une excellente solution (voir comment la médecine ayurvédique procède ici, ou bien avec les adaptogènes, ou encore avec des techniques d’hormèse). On sait déjà que l’activité physique régulière et les jeûnes améliorent notre immunité, et donc favorisent l’élimination des cellules sénescentes excessives. C’est déjà un très bon départ.

Après, on peut effectivement songer à utiliser les produits naturels en accompagnement, comme vu plus haut. C’est une possibilité qui est déjà d’actualité car ces substances sont faciles à trouver. Quant à leur réelle efficacité pour l’homme, nous en saurons certainement plus dans un avenir proche…

  1. Baker DJ, Wijshake T, Tchkonia T, LeBrasseur NK, Childs BG, van de Sluis B, Kirkland JL, van Deursen JM. – Clearance of p16Ink4a-positive senescent cells delays ageing-associated disorders – Nature. 2011;479:232–236.
  2. Ming Xu & coll. – Senolytics improve physical function and increase lifespan in old age, Nature medicine 2018 Aug;24(8):1246-1256.
  3. Antioxidant and Anti-Senescence Effect of Metformin on Mouse Olfactory Ensheathing Cells (mOECs) May Be Associated with Increased Brain-Derived Neurotrophic Factor Levels—An Ex Vivo Study – Agnieszka Śmieszek, Zuzanna Stręk, Katarzyna Kornicka, Jakub Grzesiak, Christine Weiss, and Krzysztof Marycz – Int J Mol Sci. 2017 Apr; 18(4): 872
  4. Zhu Y, Tchkonia T, Pirtskhalava T, et al. The Achilles’ heel of senescent cells: from transcriptome to senolytic drugs. Aging Cell. 2015 Mar 9
  5. Chondrogianni N, Kapeta S, Chinou I, Vassilatou K, Papassideri I, Gonos ES. Anti-ageing and rejuvenating effects of quercetin. Exp Gerontol. 2010 Oct;45(10):763-71
  6. The flavonoid quercetin in disease prevention and therapy: Facts and fancies – Maria Russo Carmela Spagnuolo Idolo Tedesco Stefania Bilotto Gian Luigi Russo – Biochemical Pharmacology
    Volume 83, Issue 1, 1 January 2012, Pages 6-15
  7. Coulter SA. Epidemiology of cardiovascular disease in women: risk, advances, and alarms. Tex Heart Inst J. 2011;38(2):145-7.
  8. Lin Y, Yngve A, Lagergren J, Lu Y. A dietary pattern rich in lignans, quercetin and resveratrol decreases the risk of oesophageal cancer. Br J Nutr. 2014 Dec 28;112(12):2002-9.
  9. Huang HL, Liu CT, Chou MC, Ko CH, Wang CK. Noni (Morinda citrifolia L.) Fruit Extracts Improve Colon Microflora and Exert Anti-Inflammatory Activities in Caco-2 Cells. J Med Food. 2015 Feb 4.
  10. 2016 – Exercise Prevents Diet-Induced Cellular Senescence in Adipose Tissue
  11. The Role of Curcumin in the Modulation of Ageing
  12. The curcumin analog EF24 is a novel senolytic agent
  13. Rong Wang et al., “Rapamycin Inhibits the Secretory Phenotype of Senescent Cells by a Nrf2-Independent Mechanism,” Aging Cell 16, no. 3 (June 2017): 564–74
  14. ELDER S. S. et EMMERSON E., « Senescent cells and macrophages : key players for regeneration ? », Open Biology, vol. 10, 2020, p. 200309.