Un traitement déjà étudié pour avoir amélioré la longévité de souris en favorisant l’élimination des cellules dites « sénescentes » (voir ici) a été administré cette fois à 14 personnes atteintes d’une maladie chronique grave irréversible : la fibrose pulmonaire idiopathique. Les sujets atteints par cette maladie montrent, dans les examens spécifiques, une accumulation de cellules sénescentes.

Qu’est-ce qu’un traitement sénolytique ?

Ce type de traitement appelé « sénolytique » est une voie assez récente de lutte contre les effets du vieillissement, comme la lutte contre l’oxydation et la glycation, la protection de nos télomères ou de notre ADN, la régénération des protéines cellulaires, etc… (voir notre article complet sur les sénolytiques).

cellules dans le corpsLes cellules sénescentes sont des cellules qui ont vieilli mais qui ne se sont pas éliminées d’elles mêmes (notamment par apoptose : le « suicide cellulaire » normal). Devenues toxiques pour leurs cellules voisines, lorsqu’elles sont trop nombreuses, elles encombrent inutilement nos tissus. Elles les rendent moins fonctionnels (ils sont vieillis également) et y amènent  une inflammation chronique quasi-silencieuse. Toutefois, la performance de nos organes s’en ressent.

Il est apparu que l’augmentation du nombre de cellules sénescentes est corrélé aux maladies chroniques liées au vieillissement et à un système immunitaire affaibli, incapable de les éliminer correctement.

L’association de molécules sénolytiques utilisée

Cette étude ne visait pas le vieillissement mais elle a permis de suivre les effets de cette combinaison de Dasatinib (une chimiothérapie utilisée contre la leucémie) et de quercétine (un flavonoïde connu pour ses effets antioxydants et anti-inflammatoires), deux produits ayant démontré leur action dans l’élimination des cellules sénescentes.

Il est probable que l’emploi de ce traitement chez l’homme aurait été beaucoup plus compliqué à mettre en oeuvre chez des sujets sains, à cause des problèmes d’éthique. Mais ici, dans la fibrose pulmonaire idiopathique, il n’y a pas vraiment de traitement efficace connu. Les malades étaient donc très consentants.

Dans cette étude, à l’Université du Texas à San Antonio, les deux produits ont été administrés en discontinu pendant 3 semaines, puis des tests de performance et des analyses sanguines ont été effectuées.

Les résultats du traitement par sénolytiques

Le principal effet positif a été un gain de mobilité de plus de 5%. Les autres marqueurs de la forme physique n’ont pas été améliorés, ni la fonction pulmonaire. Néanmoins, les chercheurs nous font remarquer qu’aucun traitement auparavant, n’avait permis un gain de mobilité. Bien évidemment, ces résultats devront être reproduits et confirmés.

Selon les auteurs, l’amélioration de l’état des malades a été significative et les effets secondaires n’ont pas été trop importants.

Les fameux effets secondaires

médecin en tenue stérile prsentant un compriméIl s’agissait ici de troubles digestifs gastro-intestinaux, de brûlures d’estomac, d’irritations cutanées et de symptômes respiratoires (toux et essoufflement). Ils n’ont pas causé d’arrêt du traitement.

C’est justement la crainte de ces effets secondaires inconnus qui freine les expérimentations chez l’homme. Encouragées par ces premiers résultats, d’autres études chez l’être humain ont déjà commencé avec les sénolytiques.

Les auteurs concluent que ce traitement, connu pour éliminer des cellules sénescentes, peut être administré et supporté par des sujets âgés, et produire une amélioration fonctionnelle dans la fibrose pulmonaire. Ainsi, la porte serait ouverte pour étudier l’effet des sénolytiques dans la lutte contre les maladies liées au vieillissement.

C’est, en tous cas, un premier pas vers une meilleure connaissance de l’utilisation des sénolytiques chez l’homme. A suivre donc…

L’avis d’Anti-âge intégral

Il est intéressant de voir qu’un traitement sénolytique ayant fait ses preuves chez les souris puisse être administré chez l’humain, bien qu’on soit encore loin de savoir si un effet sur la longévité est possible ou pas.

De premier abord, le résultat obtenu parait quand même bien faible (5% de mobilité en plus) en regard de la puissance du traitement utilisé :
– 1250 mg de quercétine par jour (une dose haute pour ce produit)
– 100 mg de dasatinib par jour (la posologie habituelle en traitement des leucémies).

En lisant l’étude, il apparait que ce traitement ait été choisi (dasatinib et quercétine) en raison des nombreuses études qui l’ont employé chez l’animal avec des résultats positifs. Si, pour la quercétine, il n’y a pas de dangerosité connue, ce n’est pas le cas du dasatinib (qui reste une chimiothérapie). Il existe d’autres substances plus naturelles dont ont connait les propriétés sénolytiques comme la fisétine ou la piperlongumine, issus de végétaux et dont l’usage est moins rebutant. Peut-être feront-elles l’objet d’une prochaine étude chez l’homme. Nous l’espérons. Prendre un anti-leucémique pour améliorer sa longévité reste peu attirant.

Cette étude décrit quand même plusieurs effets secondaires sévères dont un a entrainé l’hospitalisation du patient. D’autre part, on ne connait pas les effets secondaires possibles à long terme, si ce traitement devait être répété (et ce serait le cas pour améliorer la longévité).

Eliminer les cellules sénescentes est très séduisant. Les spécialistes en la matière, comme le Dr Judith Campisi, expliquent cependant que les cellules sénescentes semblent aussi jouer un rôle salutaire lorsqu’elles ne sont pas trop envahissantes. La bonne mesure serait, comme toujours, de trouver un équilibre entre le « trop » et le « pas assez ».

Enfin, notons que l’hydroxybutyrate, produit notamment pendant le jeûne ou bien lors d’un état de cétose, possède également un effet sénolytique. L’étudier ne devrait pas poser de problème d’éthique…

Et vous ? Un peu de Dasatinib, cela vous tente ?

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