Une étude publiée dans Aging Cell, décrit qu’un traitement pourrait inverser le processus de vieillissement biologique, et réduire au final l’âge dit « épigénétique » de sujets traités pendant un an. Ce pourrait bien être une preuve scientifique que rajeunir est possible (au moins un peu…).

Diminuer les marqueurs de l’âge du corps

Qu’est-ce que l’âge épigénétique ?

ADN et gênesL’âge épigénétique est une mesure assez récente pour déterminer l’âge réel du corps. C’est donc une sorte d’âge biologique mais dans ce cas, au lieu de tests physiques et fonctionnels, il est calculé en observant l’état de l’ADN des sujets.

Un algorithme mesure 71 marqueurs de méthylation de l’ADN à partir d’une prise de sang. La méthylation de l’ADN fait que certains gènes s’expriment ou pas dans notre organisme. Ainsi, en regardant les gènes associés au vieillissement ou à des maladies de dégénérescence, on peut en déduire que le corps a vieilli plus ou moins vite. L’âge épigénétique est aussi considéré aujourd’hui comme un marqueur prédictif du risque de cancer et de l’espérance de vie.

Ces modifications d’expression de nos gènes sont dépendantes de notre environnement et de notre mode de vie (voyez cet article pour en savoir plus sur l’épigénétique et l’expression de nos gènes, et celui-ci sur méthylation et vieillissement).

Inverser le vieillissement chez l’homme

En fait ici, l’âge épigénétique des sujets traités a diminué de 1,5 an après un an de traitement soit 2,5 années de moins que s’ils n’avaient rien fait, mais ce n’est pas tout. Leurs défenses immunitaires ont été renforcées, et leur risque de maladies de dégénérescence ou de sénescence a été réduit (selon un calcul spécifique standardisé).

Il faut quand même noter que cette étude s’est faite à petite échelle (9 participants âgés de 51 à 65 ans), et sans contrôle sur un autre groupe témoin (sujets traités par placebo, ou non traités), pour effectuer des comparaisons. Ceci étant, les études de ce type sur l’humain sont très rares à obtenir ce genre de résultat.

De l’hormone de croissance pour régénérer le thymus

Pourquoi agir sur le thymus en anti-âge ?

thymus, organe de l'immunitéIci, les participants (sujets sans maladie connue au départ) ont reçu un traitement à base de recombinant d’hormone de croissance (GH) dans le but de régénérer leur thymus.

Le thymus est une glande impliquée dans les défenses immunitaires, située dans la poitrine, derrière le sternum. Le thymus est très actif pendant l’enfance, il produit des lymphocytes T (des globules blancs) qui nous défendent contre les agents externes et éliminent des cellules cancéreuses. Il se réduit après l’adolescence, pour ne devenir qu’un reliquat de glande chez les adultes vers la cinquantaine. A cet âge, nos défense immunitaires commencent à s’affaiblir.

Cette forme de GH a été employée car elle a déjà prouvé ses effets sur la régénération du thymus, et le renforcement des défenses immunitaires, chez l’animal (Kelley et al., 1986) et chez l’humain séropositif HIV (Napolitano et al., 2008; Plana et al., 2011).

Pour éviter l’élévation de la glycémie (sucre sanguin), qui est un des effets possibles de l’hormone de croissance, de la DHEA (une autre hormone) et de la metformine (un anti-diabétique) ont été ajoutées au traitement. Notons au passage que ces deux produits sont connus pour avoir montré des résultats contre les effets négatifs de l’âge chez l’homme, ou sur la longévité des animaux.

Les effets secondaires

Des contrôles de paramètres sanguins ont été effectués tout au long de l’étude. En dehors de légères augmentations de l’insuline et de la glycémie qui restaient toutefois dans des valeurs normales, les autres analyses sanguines étaient stables. Il n’a pas été observé d’effet indésirable lié à l’administration d’hormone de croissance (à la dose de 0.015 mg/kg/j) pendant le temps de l’étude.

L’avis d’anti-âge intégral sur GH et rajeunissement

Des faits intéressants

L’étude est fort intéressante car les auteurs ont une approche assez globale. Ils n’ont pas employé de manipulations génétiques ni de médicaments aux effets secondaires lourds. De plus, ils envisagent ouvertement les biais possibles de leurs résultats dans la discussion.

Elle est hélas faite sur un trop petit échantillon. D’autre part, rien ne dit que cette « inversion du vieillissement » se poursuivrait si le traitement était pris plus longtemps. L’étude mériterait d’être réalisée sur plusieurs années, et en double aveugle. Néanmoins, c’est a priori une « première » pour des résultats de ce type sur l’homme, et elle relève plusieurs choses intéressantes :

  • il est possible de diminuer son âge épigénétique (ici avec un traitement) et, vraisemblablement l’âge biologique (âge apparent) qui devrait lui correspondre. C’est la conclusion la plus importante de l’étude. Ceci ne nous surprend pas vraiment quand on voit comment certaines personnes améliorent leur forme, leur santé et leur âge biologique en modifiant leur hygiène de vie, leur alimentation, et en relançant certaines fonctions vitales avec des techniques anti-âge, naturelles pour la plupart.
  • l’amélioration de l’immunité réduirait l’âge épigénétique, tout comme la régénération du thymus qui peut y contribuer.
  • de meilleures défenses immunitaires diminuent le risque de maladies du vieillissement. On l’a déjà constaté dans la recherche médicale, et la médecine ayurvédique relie traditionnellement la notion d’Ojas (l’immunité et l’énergie vitale) à la longévité. D’autre part, cette meilleure immunité contribue certainement à mieux éliminer les cellules sénescentes qui s’accumulent et vieillissent nos tissus corporels.

Régénérer le thymus : une voie anti-âge très courue

Remarquons que l’injection de cellules embryonnaires de thymus était une technique de revitalisation en vogue il y a une cinquantaine d’années. Elle ne se fait plus en France en raison de la législation sur l’emploi de produits animaux mais elle est encore pratiquée dans certaines cliniques en Suisse, et dans d’autres pays.

Depuis quelques années plusieurs firmes ou institutions ont investi dans des recherches coûteuses pour obtenir un moyen de régénérer le thymus humain. Ce serait, d’après certains, une possibilité non seulement de retrouver une immunité forte et de se protéger du cancer, mais aussi de rallonger beaucoup la durée de vie.

Pour la petite histoire le directeur de cette étude Dr Greg Fahy avait déjà essayé le traitement sur lui même (GH et DHEA) auparavant.

Des questions restent en suspens

  • l’effet serait-il le même chez des sujets en moins bonne santé ? chez des femmes ? au delà de 65 ans ?
  • les sujets traités n’ont-ils pas, par la même occasion, modifié plus ou moins consciemment leurs habitudes hygièno-diététiques ? ce qui aurait pu biaiser les résultats
  • quelle est la part respective de l’effet des deux substances ajoutées DHEA et metformine dans cette étude ? Les auteurs émettent eux même l’hypothèse que l’association des 3 substances puisse avoir eu des effets anti-âge dont ils n’ont pas répertorié les mécanismes.

Enfin, quand à l’hormone de croissance : elle est utilisée depuis quelques décennies par certains médecins en anti-âge (sans parler des bodybuilders !) et les avis sont controversés. Elle est interdite en France pour cet usage (à tort ou à raison) mais est employée aux Etats-Unis ou en Belgique par exemple. Cela reste un traitement très coûteux dont les effets secondaires à long terme ne sont pas très bien connus, et qui pourrait augmenter le risque de cancer (ou, en tout cas, favoriser son développement).

Augmenter ou diminuer l’hormone de croissance pour vivre longtemps ?

L’étude présente va à l’encontre des conclusions de certains scientifiques : des taux élevés d’hormone de croissance avant 65 ans (en particulier son dérivé principal Igf-1) seraient un facteur de risque de maladies liées à l’âge, et réduiraient la longévité. A l’inverse, les sujets ayant des taux d’Igf-1 peu élevés vivraient plus longtemps et auraient très peu de cancers (Pr Valter Longo 2016 – Lévine 2014 dans la restriction en protéines).

Les auteurs de l’étude en sont bien conscients. Ils le font remarquer, et envisagent une hypothèse plausible et intéressante :
– on sait que les hormones GH/Igf-1 ont (entre autres) un effet identique à l’insuline sur nos cellules,
– ainsi des taux élevés de GH/Igf-1 sont généralement liés à une insulino-résistance
– ils serait possible que l’on ait attribué trop facilement le vieillissement accéléré aux taux d’hormone de croissance élevés, au lieu de mettre en cause la trop grande résistance à l’insuline de ces mêmes sujets. En effet, la résistance à l’insuline s’installe souvent avec l’âge, où elle s’accompagne d’effets négatifs sur la santé comme le syndrome métabolique, l’inflammation chronique, le diabète, la stéatose hépatique, etc…

Alors, que penser ? A priori, la vérité est certainement, une fois de plus, dans le milieu, soit : ni trop ni pas assez. Du coup, il faudrait maintenir des taux d’hormones dans des limites normales et ne pas les dépasser. De plus, les effets varient certainement d’une personne à l’autre.

En attendant d’en savoir plus sur l’efficacité d’un tel traitement, améliorer son hygiène de vie ne présente aucun risque. L’exercice fractionné, par exemple, augmente notre taux de GH, les périodes de jeûne également, sans effet secondaire autre que d’améliorer la silhouette, même sur du long terme (voir aussi : 58 heures de jeûne augmentent des marqueurs du rajeunissement). Et il y a encore d’autres leviers sur lesquels on peut agir avec des méthodes naturelles.

Commençons déjà par cela, ce qui peut assurément diminuer notre âge biologique, et gardons un oeil vigilant mais critique, sur ce que la recherche découvre.

Qu’en pensez-vous ?