Peut-être avez-vous entendu parler des Sirtuines ou du régime « sirtfood », pour maigrir et lutter contre l’âge. Il est censé activer ces fameuses sirtuines, découvertes assez récemment, et nommées par certains « protéines de longévité ». Mais justifient-elles cette appellation ? et le régime sirtfood est-il bien pertinent ?
Les protéines sirtuines, c’est quoi ?
Les sirtuines sont des protéines (plus précisément des enzymes) fabriquées par notre corps sous l’influence de certains de nos gènes : Sirt1 à Sirt7 (7 gènes pour tous les mammifères, dont l’homme, dits gènes de longévité).
Elles agissent essentiellement en présence d’un coenzyme : le NAD+ (un dérivé de la vitamine B3 très impliqué dans la production d’énergie dans nos cellules), et participent à divers processus biologiques cellulaires :
- la production d’énergie,
- la réparation des cellules et de leur ADN, l’autophagie,
- la réponse au stress cellulaire,
- l’apoptose (le suicide de nos vieilles cellules) et la sénescence cellulaire,
- la sensibilité des tissus aux hormones,
- la sécrétion et la sensibilité à l’insuline,
- le fonctionnement du foie et sa régénération,
- la combustion des graisses,
- l’adaptation à la restriction calorique,
- les processus d’inflammation et d’oxydation…
En ce qui concerne l’anti-âge, il apparaît que, dans un environnement nutritionnel défavorable (comme la restriction calorique, ou une carence en certains nutriments, par exemple), les sirtuines déclenchent des fonctions particulières dans nos cellules, qui leur permettraient de survivre plus longtemps, jusqu’à retrouver des apports en nutriments « normaux ».
En fait, les études sur les organismes simples (comme des levures ou des vers) montrent généralement que la mise hors fonction des gènes Sirt (qui servent à fabriquer les sirtuines) raccourcit leur durée de vie, alors que leur activation la rallonge. D’où l’intérêt que suscitent les sirtuines.
Les chercheurs se sont alors demandés s’il était possible d’activer ces fonctions par d’autres moyens que la restriction calorique. En particulier, différentes études ont montré qu’un apport en certaines molécules comme le resvératrol pouvaient y parvenir chez les souris (voir plus bas).
Rôle des sirtuines
Elles ont un rôle très important pour l’équilibre du métabolisme et de la production énergétique dans nos cellules. Certaines agissent d’ailleurs principalement dans nos mitochondries* en diminuant les radicaux libres générés pendant cette production (sirtuines 3 à 5) (1). Elles augmentent également nos niveaux d’enzymes antioxydantes.
Surtout, elles sont très actives pour la réparation des dommages permanents causés sur notre ADN par la division de nos cellules, les rayonnements, les toxiques, etc… C’est donc une défense fondamentale pour la longévité de nos cellules.
Les sirtuines favoriseraient la résistance au stress, la survie des neurones, et pourraient éviter la mort prématurée de cellules endommagées. Elles auraient alors un rôle protecteur dans les maladies neurodégénératives (2), et aussi un rôle bénéfique dans la prévention du diabète, des cancers et enfin, dans le vieillissement du corps.
Les effets connus des sirtuines
Pour faire simple, disons que ces enzymes sont impliquées dans la régulation des métabolismes des sucres et des graisses du corps, lorsque ceux-ci sont « brûlés » avec de l’oxygène, pour notre production énergétique (3). Notamment, les sirtuines interviennent ici en réduisant la production de radicaux libres dans nos mitochondries et les processus d’oxydation.
Depuis quelques années, on entend parler des sirtuines pour leur effet sur la longévité et contre les maladies liées au vieillissement telles que le cancer, la neurodégénérescence et les maladies cardiovasculaires. Il est vrai que chez l’animal, l’activation des sirtuines a donné des résultats très intéressants contre ces maladies (5)(11).
En fait, chaque sirtuine a une ou des fonctions particulières. Des expérimentations ont montré que des niveaux élevés de sirtuines permettaient d’allonger la durée de vie chez les souris, des vers, des levures…
Elles pourraient aussi agir en stimulant nos fameuses cellules souches pluripotentes (qui peuvent re-créer certains tissus d’organes), notamment par le gène SIRT6 (8)
En particulier, Sirt1 est activé pendant les périodes de restriction calorique et produit la sirtuine 1. Ceci ralentit la voie métabolique de l’insuline et Igf1 (ou Insulin-like growth factor, le dérivé principal de l’hormone de croissance), liée au métabolisme des glucides (sucres). Au final, cela permet un gain de longévité de 30% dans les études sur les petits animaux, ce qui est plus que la restriction calorique.
On sait que Sirt2 est impliqué dans l’effet anti-prolifératif du resvératrol sur les cellules cancéreuses.
En élevant artificiellement les niveaux de sirtuines 6 chez des souris, par manipulation génétique, celles-ci vivent plus longtemps (7).
D’autre part, des chercheurs ont montré un ralentissement du vieillissement en activant le gène Sirt2 chez les levures (3).
Peut-on activer ou stimuler nos sirtuines ?
Activateurs naturels
La restriction calorique aurait son effet bien connu sur la longévité (chez l’animal) en relation avec l’activation des sirtuines qu’elle entraîne (notamment la sirtuine 1).
Le jeune intermittent, en plus d’améliorer la sensibilité à l’insuline et la réparation de l’ADN, augmenterait l’activité des gènes sirtuines (6).
L’état de cétose (et la production de corps cétoniques) obtenus dans un régime pauvre en sucres (hypoglucidique : par exemple type Atkins, ou autres régimes cétosiques) ou lors d’un période de jeûne, est associé à une activité augmentée des sirtuines.
L’activité physique, en plus de son effet anti-inflammatoire général, augmente Sirt1 (13).
L’exposition à la chaleur intense comme le sauna, par exemple irait dans le même sens.
Le resvératrol, en plus d’être un bon antioxydant, serait en particulier un des activateurs de Sirt1, ce qui expliquerait son action sur la longévité. Il stimule en particulier l’activité des mitochondries, qui a tendance à se réduire en vieillissant. Plusieurs études ont montré un allongement de la durée de vie de souris en régime hypercalorique et supplémentées en resvératrol (9)(10)(14). D’autres études (moins nombreuses cependant) n’ont pas montré cet effet du resvératrol. Une polémique existe à ce sujet chez les scientifiques et, bien qu’on ait envie d’y croire, il faudra plus de publications pour avoir confirmation de cette action, surtout chez l’homme.
D’autres polyphénols comme la fisétine et la quercétine (connues pour être des sénolytiques), ainsi que la butéine, et le piceatannol auraient des effets similaires.
La mélatonine connue pour réguler le sommeil en va de même, et a démontré des effets anti-vieillissement.
Augmenter le NAD+ dans nos cellules avec du nicotinamide riboside ou du NMN (voir vitamine B3 et longévité), ou encore par le sport, peut aussi indirectement activer les sirtuines (Canto et al., 2012; Yoshino et al., 2011) en même temps que la production d’énergie cellulaire.
La supplémentation en leucine augmente Sirt1 chez les souris obèses soumises à un régime riche en graisses (Hongliang Li 2012).
Médicaments activateurs des sirtuines
Le resvératrol pourrait être, à ce jour, un des meilleurs activateurs de Sirt1. Ceci étant, les doses de resvératrol qui fonctionnent chez les souris, transposées à l’homme, s’avèrent très importantes. Aussi, les laboratoires d’étude cherchent des médicaments capables d’augmenter Sirt1 avec des doses plus faibles.
Le NAD+ (ou ses précurseurs) semblent activer la voie des sirtuines. Le NMN (Nicotinamide Mono Nucléotide) est particulièrement étudié par le Pr D. Sinclair, spécialiste de la longévité.
Pour le moment, il n’y pas de médicament miracle en vue bien que la recherche soit intense. Il faudra plus d’études scientifiques, surtout chez l’humain. Ce sujet reste très discuté dans le milieu médical et biologique.
Un régime sirtuines (sirtfood) pour rester en forme avec l’âge ?
Sans ôter les effets bénéfiques multiples démontrés par le resvératrol ou la restriction calorique, d’autres études modèrent (voire contredisent) certains des résultats vus plus haut. Il ne faut donc pas se précipiter ni classer les sirtuines comme la solution miracle anti-vieillissement (The controversial world of sirtuins Weiwei Dang 2012).
Attention aussi aux effets de mode. Certains nutritionnistes ont inventé le régime SirtFood qui activerait les sirtuines, pour aider à maigrir et pour vivre plus longtemps. Il est plutôt restrictif en calories (ce qui n’est pas étonnant quand on cherche à maigrir), et préconise des aliments dits « activateurs de sirtuines » comme certains agrumes, les brocolis, le vin rouge et le chocolat… Il peut paraître intéressant mais il est difficile de dire si ce régime aura, sur l’humain, les mêmes effets que sur les levures. En tout cas, l’effet marketing est certain pour le moment.
Il faut donc encore du temps pour en savoir plus.
Les sirtuines sont bien impliquées dans les mécanismes du vieillissement cellulaire chez l’homme, tout comme dans des mécanismes protecteurs cellulaires permettant de lutter contre diverses maladies de dégénérescence.
Toutefois, certaines études s’opposent encore sur le rôle précis des sirtuines dans la restriction calorique.
Les études sont encourageantes mais il reste à prouver que les améliorations de longévité enregistrées chez les vers ou les souris en laboratoire sont transposables à l’homme dans la vie réelle.
Il parait encore prématuré de proposer une panacée pour la longévité basée sur l’activation des sirtuines mais ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain.
On sait maintenant que la voie des sirtuines fait bien partie des voies métaboliques qui influencent la longévité (ou le vieillissement), comme : la voie de l’insuline/Igf-1, la voie mTOR, AMPK, FOXO, etc… Aussi, tout ce qui ira dans le sens de son activation devrait aller dans le sens de la santé et de la durée de vie.
En fait, un peu d’observation nous montre que ce qui active les sirtuines ne leur est pas spécifique, et influence, le plus souvent, les autres voies métaboliques liées à la longévité. Un peu comme si les scientifiques découvraient progressivement différentes parties d’un même mécanisme protégeant la longévité.
Dans ce sens, sirtuines ou pas, le resvératrol imite les effets de la restriction calorique, et ses effets protecteurs dans le vieillissement de l’homme, et les maladies qui y sont liées, ont étés démontrés maintes fois. Idem pour l’intérêt des polyphénols que l’on conseille de plus en plus d’avoir dans notre alimentation.
Finalement, l’activation des sirtuines s’obtient par des méthodes ou des substances qui sont déjà connues pour leurs effets améliorant la longévité (par exemple : resvératrol, curcumine, EGCG du thé vert, acide alpha-lipoïque, coenzyme Q10, etc… qui agissent sur les voies métaboliques mTOR, AMPK, etc… liées au vieillissement).
Alors, à ce jour, sans aller jusqu’à adopter un hypothétique régime « spécial sirtuines », sans vraiment miser sur le vin, qui apporte en fait de très faibles doses de resvératrol,
- la variété dans les fruits et légumes frais, colorés et de qualité (riches en polyphénols),
- l’alimentation légère voire restreinte,
- les jeunes intermittents,
- l’exercice et une bonne hygiène de vie en général,
restent des valeurs sûres, que l’on peut compléter par certaines des substances vues ci-dessus, ayant montré des effets ralentissant le vieillissement, et bien choisies en fonction de chaque cas…
Cet article est très interessant dans la mesure où il détaille un peu plus en profondeur les fonctions de cetaines sirtuines.
J’ai compris beaucoup de choses
Merci.
La sirtuine venant du jeûne intermittent sera le meilleur et efficace et moin coûteux.
Le jeûne intermittent est une excellente méthode à bien des égards. A priori, les sirtuines que nous fabriquons lors du jeûne sont les mêmes qu’avec les autres méthodes de stimulation : sport, régime cétonique, saunas et hammans, resvératol, etc… Mais effectivement, jeûner est certainement le plus économique.
Ce qui est intéressant dans cet article, c’est le rôle entre les sirtuines qui rallongent chez les animaux de laboratoire la longévité.Et surtout le lien entre restriction calorique, peu importe la manière (intermittente, celle de Walter Longo ou autre), le NAD (dans un cycle de Krebs qui fonctionne bien, ce cofacteur permet de fabriquer de l’ATP, et donc de l’énergie pour notre métabolisme) et l’antioxydant puissant resvératrol qui élimine radicaux libres notamment, responsables du vieillissement… (+ lien entre le dysfonctionnement d’un gène sirt et la maladie d’Alzheimer).
Les recommandations sont pertinentes et cela rejoint le régime méditerranéen et les autres facteurs importants pour une longévité en bonne forme, comme celles qui sont données dans les différents articles du site.
Encore un démontage supplémentaire des mécanismes biochimiques (ou biologique moléculaire) qui fait le lien entre une hygiène de vie et ses conséquences sur le fonctionnement des réactions biochimiques (100 000 réactions par cellule et par seconde, dix mille milliards de cellules sans compter le microbiote), sur le bon état de nos cellules … des tissus… des organes.. du corps dans sa totalité.
Tout est lié : le génome, les mitochondries avec le cycle de Krebs notamment, et -pourquoi pas – le microbiote qui inhibe les bactéries pathogènes grâce aux polyphénols).
je suis bien d’accord. En fait, on découvrira encore certainement bien d’autres protéines ou d’autres fonctions biochimiques impliquées soit dans le vieillissement soit dans la longévité. Cela n’en fera pas pour autant des panacées car elles ne seront qu’une pièce du puzzle.
Comme vous le dites, on retrouve généralement les mêmes facteurs favorisants. Il s’agit des grands promoteurs de la longévité : alimentation, environnement, hormèse et hygiène de vie. C’est là toute la beauté des médecines traditionnelles comme l’Ayurvéda qui ont compris cela depuis bien longtemps, ou des approche globales et respectueuses des lois du vivant, comme la naturopathie.
Malheureusement si le « resvératrol » agit parfaitement bien dans le tube à essai, il est inefficace dans l’organisme humain à la suite du processus digestif. Nombreuses sont les études qui montrent les capacités anti-oxydantes des antioxydants des plantes, mais, toujours, dans l’éprouvette et, malheureusement, jamais « in vivo » !
Il est vrai que la digestion des substances peut largement modifier ou diminuer leur action, et elle doit être prise en compte. Vous avez raison de le signaler. Certains produits dont on vante les effets anti-âge n’ont quasiment aucun effet chez l’homme. Toutefois, concernant le resvératrol, beaucoup d’études ont été réalisées « in vivo » chez l’homme avec des résultats a priori probants. Voici par exemple une méta-analyse qui cite déjà 224 études cliniques : Health benefits of resveratrol: Evidence from clinical studies.
Et le début de son résumé : « Resveratrol is a polyphenolic nutraceutical that exhibits pleiotropic activities in human subjects. The efficacy, safety, and pharmacokinetics of resveratrol have been documented in over 244 clinical trials, with an additional 27 clinical trials currently ongoing. Resveretrol is reported to potentially improve the therapeutic outcome in patients suffering from diabetes mellitus, obesity, colorectal cancer, breast cancer, multiple myeloma, metabolic syndrome, hypertension, Alzheimer’s disease, stroke, cardiovascular diseases, kidney diseases, inflammatory diseases… »