Une récente étude de l’IRCAN de Nice vient de démontrer que la télomérase apportée aux cellules intestinales de poissons, non seulement pouvait régénérer leur intestin mais aussi leur corps tout entier, et améliorer leur longévité de 40% ! Ainsi, ces chercheurs du CNRS ont trouvé un moyen d’allonger l’espérance de vie en réactivant un gène dans les cellules de l’intestin.

Agir sur les télomères des cellules intestinales

Pour ce faire, ils ont modifié génétiquement les animaux, afin que leurs cellules de paroi intestinale fabriquent plus de télomérase. Comme chez l’humain, cette enzyme permet la réparation des « télomères », ces sortes de capuchons protecteurs des extrémités des chromosomes. Lors de chaque division cellulaire dans notre corps, l’ADN des chromosomes se dédouble et se reconstitue mais ce mécanisme n’est pas parfait et les extrémités des chromosomes subissent des dommages. Les télomères sont comme des capuchons recouvrant ces extrémités et s’abîmant à leur place. Se faisant, ils se raccourcissent un peu à chaque division de la cellule, et finissent par disparaitre. Les chromosomes s’altèrent alors et la cellule meurt ou devient anormale.

Les télomères sont un bon marqueur du vieillissement. L’observation de leur longueur permet de définir l’âge biologique du sujet et sa longévité probable. La découverte de la télomérase a déjà fait couler beaucoup d’encre, et des produits sont proposés depuis, pour stimuler sa production chez l’homme, protéger ses télomères et, a priori, augmenter sa longévité (voir notre article sur la télomérase).

Le choix de l’intestin

L’idée cette étude a été d’appliquer l’effet de la télomérase sur un organe particulier : l’intestin. Il faut dire que l’intestin est de plus en plus au centre des préoccupations en médecine anti-âge et dans la santé en général. Son importance est certainement bien plus grande que ce qu’on a cru. Abritant un microbiote dont on commence à peine à mesurer l’intérêt et les implications, présenté comme « 2° cerveau », comme centre de l’immunité, ou « à l’origine de la plupart des maladies »… son rôle de filtre est souvent mis à mal, et il se détériore généralement avec l’âge, ce qui accentue encore certains troubles liés au vieillissement.

De plus, le poisson zèbre utilisé ici, présente la particularité d’avoir ses télomères raccourcir plus vite au niveau de l’intestin que dans les autres organes au cours de la vie, tout comme chez l’homme.

Un rajeunissement de l’intestin qui rajeunit le corps entier

colon et intestin grêleDans cette étude, la production de télomérase a été activée génétiquement dans les cellules intestinales des poissons par apport d’un fragment d’ADN.

Après quelques temps, chez les poissons traités, les chercheurs ont pu constater que le vieillissement de cet organe avait ralenti. Contrairement à ce qui est le plus souvent observé dans l’avancée en âge :

– la paroi intestinale gardait mieux son étanchéité,

– l’organe servait mieux son rôle de barrière protectrice,

– le microbiote intestinal restait plus diversifié et équilibré.

Enfin, le vieillissement d’organes distants, et plus globalement de l’organisme des poissons, était ralenti. Leur fertilité déclinait moins (voire était retrouvée), et il apparaissait moins de maladies dégénératives en général. “Ce phénomène régénère la fertilité et la santé générale des individus au fil du processus normal du vieillissement et augmente la durée de vie sans risque associé de développer un cancer” est-il noté dans l’étude.

Leur conclusion, dans cette expérience, est que la longueur des télomères dans les cellules de l’intestin a un impact direct sur le vieillissement global. Ils font remarquer l’absence d’incidence sur le taux de cancers car il est connu que la télomérase peut favoriser l’apparition de cellules cancéreuses.

Que retenir de cette étude ?

Tout d’abord, l’importance confirmée de l’intestin sur tout l’organisme, point d’intérêt central en médecine anti-âge. Hippocrate disait déjà : « La mort commence dans le colon ». Il est surtout marquant de constater que la régénération de l’intestin a un effet général sur le corps de ces poissons.

En particulier, les auteurs confirment ici un peu plus le rôle de la perte de perméabilité intestinale dans le vieillissement (et la santé en général) encore discutée par certains (voir notre article sur le leaky gut ou intestin microporeux).

Il est intéressant de faire un parallèle avec d’autres études ayant montré une amélioration de la longévité en agissant sur l’intestin, notamment celle-ci utilisant 3 plantes et un probiotique.

Enfin, reste l’éternelle question de l’oeuf et de la poule : les télomères courts sont ils une cause ou un effet du vieillissement ? Si le fait qu’il sont un bon marqueur du vieillissement fait l’unanimité, ce n’est pas le cas pour dire que leur seul allongement suffit à améliorer la longévité (voir cette étude par exemple).

On sait aujourd’hui que des télomères raccourcis prématurément (notamment par une mauvaise hygiène de vie) sont indicateurs et prédicteurs de maladies dégénératives, de cancers, et de faible longévité. En revanche, on est pas sûr de l’inverse, à savoir : qu’un rallongement des télomères (même s’il est sensé augmenter la durée de vie des cellules concernées) diminuerait la morbidité et augmenterait la longévité de l’individu.

Dans cette étude pourtant, on a seulement augmenté la production de la télomérase des cellules intestinales. En dehors de la réparation des télomères, il n’y a pas eu, a priori d’autre action contre les processus du vieillissement par une substance quelconque. Gardons présent à l’esprit qu’il s’agit de poissons bien éloignés de nous, même si 70% de leurs gènes sont identiques à ceux de l’homme. Cela donne au final une bonne matière à réflexion.

Qu’en pensez-vous ?