
Pour la santé, un nutriment fondamental reste sous-estimé : les fibres alimentaires et nous allons voir pourquoi. De plus, longtemps considérées comme de simples régulateurs du transit intestinal, elles apparaissent aujourd’hui comme de véritables alliées de la longévité.
- Les fibres alimentaires, c'est quoi ?
- Pourquoi des fibres feraient vivre longtemps ?
- Les principales catégories de fibres prébiotiques
- Etes-vous aujourd’hui « carencés » en fibres ?
- Où trouver ces fibres prébiotiques ?
- Des synergies intéressantes
- Nos conseils pratiques
- Et la diète cétogène : un paradoxe ?
- Conclusion : plus qu'un régulateur intestinal
En nourrissant notre microbiote intestinal, leur effet est bien plus que mécanique. Les fibres peuvent réduire l’inflammation, protéger le cœur et même le cerveau. Elles seraient l’un des leviers les plus simples pour vieillir en meilleure santé.
Ce n’est pas très étonnant quand on sait que la santé intestinale est un socle pour la vitalité en général. Je l’ai souvent constaté chez mes patients, beaucoup de troubles de santé s’arrangent lorsqu’on améliore d’abord le transit intestinal et le microbiote. Alors, pensons-y souvent ! « Quand l’intestin va, tout va » et il semble qu’un apport correct de fibres alimentaires puisse très souvent améliorer la forme, même si, comme toujours, chaque cas est particulier.
Les fibres alimentaires, c’est quoi ?
Les fibres sont des composants des plantes que notre système digestif ne sait pas dégrader ni assimiler. Contrairement aux protéines, sucres, graisses, elles arrivent intactes jusqu’au côlon, où elles peuvent nourrir nos bactéries intestinales : notre microbiote.
On distingue deux grands types :
- Les fibres insolubles (comme la cellulose des légumes, notamment dans leur tiges et feuilles) : elles gonflent et augmentent le volume des selles, facilitant le transit. Elles ont aussi un effet de « balai intestinal » entraînant un certain nettoyage local.
- Les fibres solubles (comme l’inuline ou les pectines des fruits) : elles se dissolvent dans l’eau et sont digérées (fermentées) par les bactéries intestinales.
Certaines fibres solubles sont dites prébiotiques, car elles nourrissent spécifiquement les « bonnes bactéries » (comme Bifidobacterium, Lactobacillus, Akkermansia…) qui produisent des substances bénéfiques pour notre santé. Elles sont particulièrement intéressantes.
Pourquoi des fibres feraient vivre longtemps ?
Tout d’abord, comme vu plus haut, parce qu’elles peuvent améliorer la santé lorsqu’on ajuste ses apports. Ensuite, parce qu’elles ont des propriétés sur la longévité découvertes récemment.
Réduction du risque de maladies chroniques
Les fibres alimentaires réduisent les risques de maladies cardiovasculaires, de diabète et de certains cancers. Par exemple :
- Dans une vaste étude américaine sur plus de 388 000 adultes suivis pendant 9 ans (NIH-AARP Diet and Health Study), ceux qui consommaient le plus de fibres avaient un risque de décès réduit de 22 % comparé à ceux qui en consommaient le moins (Park et al., 2011).
- Une autre analyse sur plus de 185 études (publiée dans The Lancet, Reynolds et al., 2019) conclut que manger 25 à 30 g de fibres par jour diminue nettement les risques de maladies coronariennes, d’AVC, de diabète de type 2 et de cancer colorectal.
- Certaines fibres (psyllium, bêta-glucanes) réduisent l’absorption du cholestérol et améliorent la sensibilité à l’insuline.
Ainsi globalement, plus vous mangez de fibres, moins vous risquez les maladies qui réduisent la durée de vie.
Effets sur le cerveau
Via l’axe intestin-cerveau, la fermentation des fibres influence la production de neurotransmetteurs et la plasticité cérébrale.
Dans une étude menée chez des personnes âgées, une supplémentation en inuline et fructo-oligosaccharides (FOS) pendant 12 semaines a amélioré la mémoire et certaines fonctions cognitives, parallèlement à une augmentation des bifidobactéries intestinales (Kelly et al., 2017).
Autrement dit, nourrir vos bactéries intestinales avec des fibres peut bénéficier à votre cerveau.
Des fibres prébiotiques pour un microbiote sain
Les fibres prébiotiques stimulent la croissance de bactéries bénéfiques qui régulent les réponses immunitaires et limitent l’inflammation chronique, facteur clé du vieillissement. Elles nourrissent ces bactéries intestinales, qui fabriquent ensuite des acides gras à chaîne courte (AGCC) comme le butyrate, le propionate…
- Le butyrate protège la paroi intestinale, réduit l’inflammation et joue un rôle anti-cancer.
- Le propionate et l’acétate participent à la régulation du métabolisme du sucre et des graisses.
Des chercheurs italiens ont montré que les centenaires ont un microbiote plus diversifié, riche en bactéries productrices de ces substances protectrices, grâce à une alimentation traditionnelle riche en fibres (Biagi et al., 2016).
Les principales catégories de fibres prébiotiques
Les fibres prébiotiques appartiennent à plusieurs familles :
-
Oligosaccharides : FOS, GOS, XOS, MOS… très fermentescibles et stimulant beaucoup les bactéries bifidus. On en trouve surtout dans le lait et dérivés, les céréales complètes comme mais et blé, la banane, l’ail, l’oignon…
-
Polysaccharides solubles : pectines (fruits), bêta-glucanes (avoine, orge, champignons), arabinogalactanes (gomme d’acacia, mélèze).
-
Amidon résistant : amidon non digéré de la banane verte, des légumineuses ou des féculents refroidis.
-
Fibres synthétiques fermentescibles : polydextrose, maltodextrine résistante, fibres de maïs solubles.
Ces fibres diffèrent par leur vitesse de fermentation et leur profil de production d’acides gras à chaîne courte (AGCC), mais elles ont toutes en commun de soutenir un microbiote diversifié et fonctionnel.
Les personnes ayant tendance à la fermentation haute (dans l’intestin grêle) et donc très facilement et vite ballonnées après un repas, risquent être aggravées par les oligosaccharides et les fibres synthétiques. Elles choisiront plutôt les « amidon résistants » ou les polysaccharides. A tester donc progressivement.
Etes-vous aujourd’hui « carencés » en fibres ?
L’alimentation moderne a effectivement appauvri nos apports :
- Les produits raffinés (pain blanc, riz poli, pâtes blanches…) ont perdu leurs fibres.
- Nous mangeons moins de végétaux en général, et moins de fruits et légumes entiers, souvent épluchés et transformés.
- Les légumineuses (lentilles, pois chiches, haricots), autrefois aliments de base, sont devenues rares dans nos assiettes.
- Les plats rapides et les aliments ultra-transformés ont hélas remplacé les préparations traditionnelles riches en végétaux et apportant des fibres.
En moyenne, de nos jours, nous consommons 12 à 15 gr. de fibres par jour, soit deux fois moins que les recommandations (25 à 30 gr./jour).
Certains scientifiques parlent de « famine microbienne ». Nos bactéries intestinales reçoivent trop peu de fibres pour maintenir leur diversité, ce qui favorise l’inflammation chronique, un des moteurs du vieillissement. On a d’ailleurs appris récemment que cette inflammation chronique n’est pas liée au vieillissement lui-même mais bien au style de vie moderne (voir cet article).
Cependant, comme toujours, on ne peut pas généraliser. Certaines personnes se portent très bien avec une alimentation très pauvre en fibres, ce qui pourrait être lié à leur génétique. Certains partisans de l’alimentation cétogène (voire carnivore) pensent que les fibres ne sont pas indispensables comme nous le verrons
plus bas.
Disons que très souvent, les gens ont une alimentation trop pauvre en fibres relativement à leurs besoins. Vous pouvez aussi voir si vous présentez des symptômes de manque de fibres (entre autres) sur notre bilan de forme ici.
Calculez votre apport quotidien en fibres :
pour avoir une idée de votre apport quotidien de fibres, utilisez le tableau ci-dessous en additionnant les quantités de végétaux que vous mangez dans une journée. Atteignez-vous au moins 20 grammes de fibres ?
Où trouver ces fibres prébiotiques ?
Pour corriger ce déficit, il ne suffit pas de se tourner vers une seule source : la clé est la diversité. On peut les trouver dans :
- des fruits et légumes entiers principalement : pommes, poires, carottes, artichauts, asperges, topinambours (très riches en inuline), salades… la liste est infinie (mais bien lavés et si possible bios).
- des légumineuses : lentilles, pois chiches, haricots secs… (trempez-les la veille)
- des céréales complètes : avoine (bêta-glucanes), orge, seigle…
- des graines : lin, chia, psyllium (mucilages qui régulent le transit et la glycémie)…
Attention : rappelons ici que certaines personnes tolèrent mal les céréales, (voir cet article), ou les lectines comme le gluten. Il est alors important de préparer ces aliments par trempage, germination, fermentation, cuisson sous-pression… Dans ce cas, il faudra choisir d’autres aliments riches en fibres et bien tolérés.
- des tubercules et de l’amidon résistant comme dans les bananes vertes, les pommes de terre ou le riz refroidis après cuisson et réchauffés…
- des compléments naturels : gomme d’acacia, pectine de pomme, écorce de mélèze, psyllium, souchet, etc…
Aliments | Fibres (g / 100 g) |
---|---|
Graines de chia | 34,4 |
Graines de lin | 27,3 |
Coco râpé sec | 23,0 |
Amande | 12,5 |
Avoine (flocons) | 10,6 |
Pistache | 10,3 |
Noisette | 9,7 |
Artichaut cuit | 8,6 |
Pain complet | 6,9 |
Avocat | 6,7 |
Noix | 6,7 |
Framboises | 6,5 |
Lentilles cuites | 7,9 |
Pois chiches cuits | 7,6 |
Haricots rouges cuits | 7,4 |
Mûres | 5,3 |
Épeautre cuit | 5,8 |
Petits pois cuits | 5,5 |
Chou kale cru | 4,1 |
Poire avec peau | 3,1 |
Légumes verts | 2 à 4 |
Patate douce cuite | 3,0 |
Carottes crues | 2,8 |
Quinoa cuit | 2,8 |
Banane | 2,6 |
Pomme avec peau | 2,4 |
Orange | 2,4 |
Riz complet cuit | 1,8 |
Riz refroidi et réchauffé | 2 à 3 |
Prudence au début, surtout si vous avez un intestin irritable ou déjà enflammé, ou encore une prolifération bactérienne haute (SIBO) voir ici. Il faudra d’abord traiter ces affections.
En pratique : augmentez les apports progressivement pour éviter ballonnements et inconfort. Votre système digestif doit s’y habituer.
Des synergies intéressantes
De nouvelles recherches explorent des associations qui potentialisent les effets des fibres :
- Fibres et post-biotiques : peut-être l’association la plus importante. En effet, des études ont montré qu’apporter un supplément de fibres alimentaire ne diversifiait vraiment la flore intestinale que lorsque des aliments post-biotiques (aliments fermentés pour la plupart) étaient associés (voir notre article sur les post-biotiques).
- Fibres + citrates et alcalinisants (potassium, magnésium, bicarbonates…) : ils compensent l’acidification produite par la fermentation des fibres, améliorent la tolérance digestive et réduisent la charge acide de l’alimentation, bénéfique pour les os et les muscles.
- Fibres + polyphénols (baies, cacao, thé vert…) : les polyphénols sont partiellement transformés par le microbiote, et associés aux fibres, ils exercent une action antioxydante et prébiotique supplémentaire.
Nos conseils pratiques
Si votre forme est bonne, sans aucun problème digestif, votre transit régulier et vos selles bien formées malgré une alimentation pauvre en fibres, ne faites rien.
Sinon, veillez tout d’abord à avoir des apports de végétaux suffisants au quotidien (calculez votre apport moyen en fibres). Mangez régulièrement des aliments fermentés, riches en post-biotiques (voyez notre article). Les effets des apports de fibres sur la santé sont bien supérieurs lorsque des post-biotiques sont consommés en même temps (diversification de la flore et équilibre de l’immunité*).
Si cet apport parait insuffisant et si votre digestion ou vos défenses immunitaires ne sont pas optimales, vous pouvez tester une supplémentation. Vous trouverez ici quelques produits intéressants.
Dans ce cas, augmentez vos doses progressivement, en particulier si vous avez l’intestin irritable. Celui-ci doit s’habituer, et votre microbiote s’en trouver mieux.
Observez votre corps. Constatez des différences : votre transit, votre digestion, vos selles, votre forme globale, votre peau, vos allergies…
Choisissez plutôt des fibres solubles comme le psyllium, les pectines de fruit, l’inuline, la gomme d’acacia, le konjac, etc… Des mélanges prébiotiques sont aussi proposés sur le marché.
Si vous avez des ballonnements très vite après manger (ce qui peut être le signe d’une fermentation haute dans l’intestin grêle, évitez la famille des oligosaccharides (voir plus haut).
En cas de maladie inflammatoire ou auto-immune de l’intestin, faites vous accompagner par un professionnel de santé.
Et la diète cétogène : un paradoxe ?
Les régimes cétogènes, très pauvres en glucides et donc généralement en fibres, montrent souvent à court terme des effets spectaculaires : perte de poids, baisse de la glycémie et des triglycérides, amélioration de certains troubles neurologiques comme l’épilepsie, du diabète, de la résistance à l’insuline, etc… Certains médecins adeptes du cétogène disent que les fibres n’ont pas d’utilité, et il est vrai que des populations vivent bien avec des alimentations quasiment « tout animal ».
Dans le même temps, on constate une réduction nette des bactéries intestinales bénéfiques (comme les bifidobactéries) et de la production des acides gras à chaîne courte, utiles à l’intégrité de la muqueuse intestinale, l’immunité et la régulation de l’inflammation.
Le paradoxe est que deux approches semblent opposées : le cétogène améliore certains marqueurs rapidement mais peut appauvrir le microbiote à long terme, tandis que les fibres protègent sur le long cours mais sans effets immédiats spectaculaires.
Tout cela peut se discuter. A mon sens, il faut considérer chaque cas avec sa sensibilité digestive, sa génétique, son activité… Il faut aussi tenir compte de l’endroit où l’on vit, du climat, etc…
Une voie du milieu existe : intégrer dans un régime pauvre en glucides des sources de fibres bien tolérées (légumes, graines, psyllium, aliments fermentés…), afin de préserver le microbiote tout en bénéficiant des effets métaboliques du cétogène. Et encore, on peut très bien faire varier les quantités de glucides et de fibres en s’adaptant à chaque cas.
Conclusion : plus qu’un régulateur intestinal
Au final, les fibres alimentaires sont bien plus qu’un simple « coup de pouce » pour le transit. En particulier, les fibres prébiotiques jouent un rôle clef dans la prévention des maladies, le maintien d’un microbiote équilibré, les défenses immunitaires, la protection du cerveau et dans la longévité.
Pourtant, notre mode de vie moderne nous en prive largement. Pour la plupart des gens, retrouver une alimentation riche en fibres variées, comme celle de nos ancêtres ou des populations riches en centenaires, est un geste simple et puissant pour vieillir en meilleure santé.
La prochaine fois que vous passerez à table, pensez-y : un peu plus de légumes entiers, de légumineuses, de céréales complètes, de noix, de fruits… et offrez à votre corps et à votre microbiote un véritable cadeau de longévité.
Faites un calcul rapide de votre quantité de fibres quotidiennes. Si vous avez du mal à atteindre les 25 à 30 gr. par jour, vous pouvez essayer d’ajouter des suppléments de fibres prébiotiques comme ceux-ci.
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