femme ménopausée consultant un médecin pour traitement hormonal

Bonne nouvelle pour les femmes de la cinquantaine et plus : depuis quelques années, le traitement hormonal substitutif est de retour dans sa version « naturelle », comme vous allez le voir.

La ménopause : avant tout un manque d’hormones

Il est temps de voir les choses en face. Il existe, certes, de nécessaires adaptations psycho-existentielles posées par la survenue de la ménopause, et par la dégradation de la qualité de vie par les bouffées de chaleur et les désordres intimes. Mais, le véritable problème posé par cet épisode de la vie de chaque femme est celui de la disparition de ses hormones féminines, les estrogènes. Avec elle, s’arrête la protection qu’elles exerçaient sur de nombreuses fonctions et tissus de l’organisme, particulièrement l’os et le système cardiovasculaire. Quatre personnes ostéoporotiques sur 5 dans notre pays sont des femmes ménopausées, et plus de la moitié des femmes après  50 ans décéderont de maladies cardiovasculaires.

WHI : l’étude qui a fait arrêter les traitements hormonaux

Nos mères le savaient bien, qui, depuis l’apparition des estrogènes en thérapeutique, jusqu’au début des années 2000, poursuivaient pour plus de la moitié d’entre elles un traitement hormonal (THM), qu’elles aient eu des bouffées de chaleur ou non, afin de ralentir cet emballement de leur vieillissement. Puis, tout a basculé en 2002, lorsqu’a été publiée la funeste étude américaine WHI, travail statistique apparemment irréprochable, qui a prétendu que non seulement le THM n’offrait aucune protection sur le plan vasculaire, mais qu’en plus, il augmentait le risque de développer un cancer du sein (1).

Du jour au lendemain, et fort logiquement, toutes les femmes ont stoppé leur traitement, que tous les médecins ont cessé de prescrire. Qui en effet, envisagerait d’échanger des bouffées de chaleur contre un risque accru de cancer du sein ? Mais le résultat est là : dans les domaines osseux et cardiovasculaire notamment, les médecins sont confrontés aujourd’hui à des complications qui n’existaient plus, chez ces femmes encore jeunes de générations sacrifiées : toutes celles qui ont abandonné leur traitement, et toutes celles qui ne l’ont pas commencé.

Cette disparition a laissé un grand vide dans lequel se sont engouffrées beaucoup de propositions thérapeutiques « naturelles ». Avoir une alimentation équilibrée et saine, conserver une activité physique minimum, réduire ou supprimer les toxiques habituels, alcool et tabac, font bien sûr partie d’un consensus évident.

Prendre par exemple des antioxydants, des nutriments essentiels, jeûner ou faire du yoga sont des mesures anti-vieillissement utiles, mais qui n’ont pas de rapport direct avec la ménopause : vieillissement et ménopause sont deux problématiques distinctes, qui se surimposent à la cinquantaine. Par contre, aucune des médications proposées n’approche de loin l’effet biologique de l’estradiol, même les phyto-estrogènes, naturels certes pour les plantes, mais étrangers à l’organisme féminin. D’autre part, malgré le bien être qu’ils peuvent apporter à certaines femmes, il n’existe aucune étude d’envergure capable d’assurer leur innocuité.

La réhabilitation méconnue des hormones à la ménopause

Fort heureusement, au cours des 15 dernières années, de très nombreux travaux ont progressivement établi que les conclusions de la fameuse étude WHI étaient largement erronées (2). Il est désormais reconnu par toutes les Sociétés médico-scientifiques que, sous réserve de contre-indications, de l’utilisation des bonnes molécules et voies d’administration, et du bon moment pour le débuter, le THM exerce effectivement dans l’organisme féminin un effet protecteur : celui-ci va très au-delà de l’os, du cœur et des vaisseaux, jusqu’aux niveaux cognitif et cutané notamment, et ce, sans faire courir de risque significatif (3).

Mais qui le sait ? Certainement pas les premières concernées. Dans ce domaine comme dans d’autres, les réhabilitations sont moins médiatisées que les mises en cause. Ni les autorités de santé, toujours frileuses (crainte de nouvelles dépenses ?), ni les experts de ces questions (crainte de conflits d’intérêts ?) ne semblent souhaiter en faire état. Les femmes restent sous-informées sur la ménopause, notamment par les magazines féminins surtout centrés sur le jeunisme ou les mesures anti-âge. Il est vrai que pour beaucoup de personnes, cet épisode de la vie généralement axé sur des problématiques de perte et de récession, n’est pas un sujet volontiers abordé.

femme ménopausée en formeMieux vivre la ménopause

Cela explique aussi un véritable naufrage sanitaire, aggravé par le désengagement des laboratoires pharmaceutiques dont certaines spécialités deviennent difficiles à se procurer : moins de 8% des femmes ménopausées prennent aujourd’hui des hormones, et encore, uniquement par voie locale pour la plupart d’entre elles (4).

Vouloir que l’intervalle entre sa durée de vie et sa durée de vie en bonne santé soit le plus court possible impose à chacun des mesures préventives fortes. Ceci est tout particulièrement vrai pour chaque femme de 50 ans, qu’elle éprouve des symptômes ou non : pourquoi serait-il nécessaire d’avoir des bouffées de chaleur pour bénéficier des effets préventifs du traitement ?

Il n’est, bien entendu, pas question d’essayer de convaincre toutes les femmes ménopausées d’avoir recours à un THM. Il s’agit seulement de les convaincre d’au moins évaluer avec leur médecin leur propre balance bénéfices/risques. Il est en particulier prudent d’évaluer avec quelle masse osseuse on va aborder la ménopause.

Les bénéfices attendus du THM

Ils se situent à deux niveaux :

  • Un effet curatif sur les symptômes lorsqu’ils existent : l’estradiol est le seul traitement contre les bouffées de chaleur qui s’est régulièrement montré supérieur au placebo dans toutes les études (5). Il contribue ainsi à lutter contre les troubles du sommeil, facteurs de fatigabilité et de troubles dépressifs. L’estradiol représente également le traitement le plus efficace de la sécheresse vulvo-vaginale, du syndrome génito-urinaire, ainsi que des douleurs ostéo-articulaires de cette période de la vie.
  • Un effet préventif de l’accélération du vieillissement provoquée par la disparition de l’estradiol de l’organisme. Il rétablit ainsi l’action protectrice de l’hormone contre la dégradation des tissus cardiovasculaires et osseux, et le déclin cognitif. Cet effet protecteur est en réalité beaucoup plus vaste, car la plupart des tissus de l’organisme féminin contiennent des récepteurs à l’estradiol. Ces effets favorables sont confirmés par la réduction du risque de diabète tardif sous THM, ainsi que la réduction du risque de mortalité, toutes causes confondues (6).

Cancer et traitement hormonal de la ménopause

Trois types de cancer sont concernés avec l’âge :

  • Le cancer de l’endomètre : le pic de fréquence du cancer de la muqueuse utérine se situe à la périménopause. Il est favorisé par la perte de l’effet anti-estrogènes de la progestérone au niveau de la muqueuse, du fait de la raréfaction des ovulations en présence d’une sécrétion estrogénique persistante. Le THM réduit le risque de cancer de l’endomètre grâce à la progestérone qu’il contient, à condition que celle-ci soit administrée au moins 12 à 14 jours par mois (7).
  • Le cancer du sein : ce risque augmente avec l’âge, THM ou pas. Il faut aussi rappeler qu’il existe un consensus général pour penser que le THM ne provoque pas l’apparition d’un cancer du sein, mais est susceptible d’accélérer l’évolution d’un cancer hormono-dépendant préexistant.
    La légère augmentation du risque de cancer du sein sous THM, qui avait stoppé l’étude WHI, n’est pas liée à l’estradiol : les femmes qui n’avaient plus leur utérus, et qui pour cette raison étaient traitées par l’estradiol seul, voyaient même leur risque diminué sous THM dans la même étude WHI. C’est en réalité le progestatif associé à l’estradiol (afin de prévenir le cancer de l’endomètre chez toutes les femmes qui ont gardé leur utérus) qui est en cause. Ces molécules de synthèse, comme celle utilisée dans l’étude WHI, ont dans l’organisme des effets différents de la progestérone. Une raison de plus d’en rester aux hormones naturelles de la femme : le THM associant l’estradiol à la progestérone naturelle n’augmente pas le risque de cancer du sein, au moins pendant 5 ans (8).
  • Le cancer de l’ovaire : c’est un cancer rare, 10 fois moins fréquent que le cancer du sein, mais plus redoutable : il est en effet découvert généralement de manière tardive, à un stade avancé. Les données récentes estiment ce sur-risque sous THM à 1 cancer / 10.000 femmes pendant 5 ans, après quoi il n’augmente plus (9). Le suivi médical régulier impératif chez les femmes sous THM devrait être en mesure de dépister plus tôt une telle éventualité.

Mes conseils de gynécologue pour un traitement substitutif

Ils sont au nombre de six, lorsqu’on envisage d’installer un THM :

  • Respecter les contre-indications absolues ;
  • Discuter les contre-indications relatives avec le spécialiste concerné ;
  • Débuter le traitement tôt, dès la ménopause, ou dans les quelques années qui suivent ;
  • N’utiliser que les hormones familières à l’organisme féminin (bio-identiques), estradiol et progestérone naturelle ;
  • Préférer pour l’estradiol la voie trans-cutanée, dont la pharmacodynamie est plus proche de celle de la sécrétion ovarienne ;
  • S’astreindre à un contrôle médical tous les 6 mois, afin de réévaluer périodiquement la balance bénéfices / risques du THM.

En conclusion

Face aux carences de la ménopause, il n’existe aucun traitement (chimique ou naturel) qui soit à la fois aussi efficace, aussi sûr et aussi légitime que les estrogènes : à condition d’utiliser les molécules bio-identiques, l’estradiol et la progestérone, familières au corps féminin, définissant ainsi un traitement hormonal naturel.

Chaque femme doit désormais savoir qu’elle peut choisir la ménopause qu’elle veut vivre, au lieu de la subir, et qu’elle peut mettre en oeuvre, à cette occasion, des mesures préventives adaptées pour vivre plus longtemps en bonne santé.

  1. Writing Group for the Women’s Health Initiative Investigation.  Risks and benefits of estrogen plus progestin in healthy postmenopausal women: principal results from the Women’s Health Initiative randomized controlled trial.  JAMA 2002; 288:321-333. 
  2. Langer RD.  The evidence base for HRT : what can we believe ?  Clmacteric 2017;20: 81-96.
  3. Baber RJ, Panay N, Fenton A and the International Menopause Society Writing Group.  Recommandations on womens’ midlife health and menopause hormone therapy.  Climacteric 2016; 19: 109-150.   
  4. Eden J.  The endometrial and breast safety of menopausal hormone therapy containing micronized progesterone: a short review.  Aust N Z Obstet Gynaecol 2017; 57: 12-15. 
  5. Maclennan AH, Broadbent JR, Lester S, Moore V.  Oral estrogens and combined estrogen/ progestogen therapy versus placebo for hot flushes.  Cochrane Database Syst Rev 2004;4: CD002978.
  6. Salpeter SR, Cheng J, Thabane L et coll.  Bayesian meta-analysis of hormone therapy and mortality in younger post-menopausal women.  Am J Med 2009; 1222: 1016-1022.       
  7. Trabert B, Wentzensen N, Yang HP et coll.  Is estrogen plus progestin menopausal hormone therapy safe with respect to endometrial cancer risk?  In T Cancer 2013; 132:417-426. 
  8. Fournier A, Berrino F, Clavel-Chapelon F.  Unequal risks for breast cancer associated with different hormone replacement therapies: results from the E3N cohort study.  Breast Cancer Res Treat 2008; 107: 103-111.     
  9. Gompel  A, Burger H.  A commentary on a recent update of the ovarian cancer risk attributable to menopause hormonal therapy.  Climacteric 2015; 18: 376-378.