Homme fatigué, manquant d'hormones

Nous avons demandé l’avis d’un expert en traitement substitutif hormonal sur la baisse de testostérone chez l’homme, avec l’âge.

Fort d’une très longue expérience, le Dr Emperaire nous donne son avis sur ce déficit, la pertinence d’un traitement et la possible complémentation.

Le vieillissement hormonal chez l’homme est progressif et très différent d’une personne à l’autre. Contrairement à ce qui se passe chez la femme, chez laquelle la ménopause marque à la fois la disparition de la fertilité et celle des hormones estrogènes, il n’existe pas de phénomène comparable chez l’homme. Certains hommes encore jeunes peuvent présenter un déficit androgénique précoce, alors que d’autres au contraire vont conserver une fonction androgénique satisfaisante, ainsi qu’une certaine fertilité, jusque tard dans leur vie : l’andropause n’existe pas en tant que telle.

Il n’en reste pas moins que la baisse physiologique avec l’âge des secrétions androgéniques, essentiellement représentées par la testostérone testiculaire (T), est susceptible d’atteindre un seuil au-dessous duquel vont apparaître des manifestations capables de réduire la qualité de vie, et aussi d’engendrer des complications : le déficit en testostérone (DT) doit alors être reconnu et pris en charge.

Reconnaître le déficit en testostérone

Le DT concerne généralement les hommes ayant dépassé cinquante ans, mais il peut s’observer plus tôt. Il associe des symptômes cliniques à une baisse du taux de testostérone, quantifiable en laboratoire.

Les signes cliniques de la baisse de testostérone

Ils sont parfois difficiles à cerner, d’autant qu’ils ne sont pas spécifiques, et se cofondent volontiers avec ceux du vieillissement :

  • La fatigabilité, la perte d’énergie, les troubles du sommeil, la diminution de la force physique, souvent rencontrés, sont loin d’être spécifiques du DT
  • Les troubles sexuels sont plus évocateurs : diminution de la fréquence des rapports, du désir et des pensées sexuelles, difficultés érectiles et éjaculatoires sont susceptibles de diminuer encore la qualité de vie personnelle et relationnelle ;
  • Les manifestations psychologiques comme les idées noires, le ralentissement général, la perte d’envie sont difficiles à distinguer d’un réel état dépressif ;
  • De nombreuses pathologies chroniques prédisposent au DT : diabète, obésité, maladies métaboliques …
  • Les constatations de l’examen clinique lui-même, comme la diminution de la pilosité, de la taille des testicules ou l’augmentation de la graisse abdominale, ne sont pas particulières au déficit en testostérone.

Le dosage de la testostérone

tubes de sang dans un laboratoireIl vient apporter des arguments dans certaines conditions. La testostérone circule dans le plasma liée à une protéine porteuse dont elle se dissocie en arrivant sur les tissus cibles (contenant les cellules sur laquelle l’hormone va agir : muscles, peau, organes sexuels, coeur, cerveau…). Seule la testostérone libre (Tl) possède une action biologique. On individualise aussi la testostérone biodisponible (Tbd), somme de la testostérone libre et de la testostérone liée qui se peut se dissocier facilement de sa protéine porteuse, donc disponible au niveau du tissu cible.

Le dosage de la testostérone totale est le plus couramment pratiqué. Son taux chez l’homme jeune varie physiologiquement entre 4,3 et 8,6 ng/l, et on considère qu’il y a déficit en testostérone pour des valeurs inférieures à 3,5 ng/l. Ce dosage doit être effectué le matin à jeun, et, s’il est pathologique, devrait être répété dans les mêmes conditions à un mois d’intervalle pour confirmation.

Seules les fractions Tl et Tbd étant réellement actives, beaucoup de spécialistes considèrent que le dosage de la testostérone totale peut être pris en défaut et ne pas refléter un réel déficit : des taux effondrés de Tl et/ou de Tbd peuvent coexister avec un taux normal de testostérone totale.

Le dosage de Tl et de Tbd est possible dans certains laboratoires. Il n’existe pas de normes individualisées selon l’âge, raison pour laquelle les valeurs considérées comme normales sont celles du sujet jeune, que doit préciser le laboratoire en fonction de sa technique de dosage.

Les autres éléments de dépistage. Le bilan biologique ne serait pas complet sans eux :

  • Dosage du PSA (marqueurs prostatiques) et de l’hématocrite, dont les perturbations constituent une contre-indication au traitement androgénique ;
  • Dosage des hormones Prolactine, LH et Estradiol, susceptible d’apporter un éclairage sur l’origine du DT, comme un adénome hypophysaire par exemple.

En cas de doute persistant, à la fois clinique et biologique, il est possible d’avoir recours à un traitement d’épreuve de 4 à 6 mois par la testostérone, en l’absence de contre-indication, bien entendu.

Comment traiter le manque de testostérone ?

Selon moi, le déficit marqué en testostérone doit être traité car, en dehors même de son effet délétère sur la qualité de vie, il prédispose aux complications vasculaires et à l’ostéoporose. Il convient d’abord de s’assurer de l’absence de contre-indication, puis de choisir la bonne formule thérapeutique, et enfin d’établir une surveillance périodique.

Les contre-indications de la substitution hormonale en testostérone

Elles sont bien connues et doivent être recherchées à la fois cliniquement (examen des seins, toucher rectal notamment) et biologiquement (dosage du PSA et de l’hématocrite en particulier).

  • Le cancer de la prostate actuel, ou dans ses formes graves ; le cas des cancers considérés comme guéris sont à discuter avec l’urologue; rappelons que l’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP), ou adénome prostatique, ne constitue pas une contre-indication à un traitement par la testostérone.
  • Le cancer du sein est plus rare chez l’homme;
  • Les apnées du sommeil graves ou non traitées ;
  • Les maladies cardio-vasculaires ne sont pas des contre-indications au traitement, en dehors des événements récents, qui sont à discuter avec le cardiologue ;
  • De manière générale, toute pathologie chronique ou non doit faire l’objet d’une discussion avec le spécialiste concerné.

Le traitement hormonal du déficit en testostérone chez l’homme

C’est un traitement hormonal substitutif qui doit être assuré exclusivement par la testostérone (soit l’hormone bio-identique, fabriquée naturellement chez l’homme). D’autres androgènes disponibles, comme la DiHydroTestsostérone (DHT) ou la DeHydro Epi Androstérone (DHEA) n’ont aucune efficacité dans cette indication. Depuis l’arrêt de commercialisation de la Pantestone° orale, seuls deux types de préparations sont disponibles en prescription médicale courante, avec leurs avantages et leurs inconvénients respectifs selon leur voie d’administration :

  • La voie transcutanée : Androgel° et Fortigel° sont des gels alcooliques comparables, à appliquer sur la peau une fois par jour. Ils ont l’avantage de procurer des concentrations plasmatiques stables. Par contre, ils ne sont pas pris en charge par l’assurance maladie. Des réactions allergiques locales sont possibles, et il faut également être attentif au fait que le gel peut être transféré par contact cutané sur la peau d’une autre personne, et occasionner chez elle (si le contact est répété) des effets androgéniques intempestifs.
  • La voie intramusculaire (IM) : L’injection intramusculaire d’une testostérone à effet prolongé supprime les applications quotidiennes. Les concentrations obtenues sont stables mais après un pic de concentration qui suit l’injection, les taux plasmatiques décroissent lentement jusqu’à l’administration suivante. Il existe deux préparations de durée d’action différente :
    Androtardyl°, d’une durée d’action moyenne de 3 semaines
    Nebido° dont l’effet se prolonge jusqu’à 3 mois, mais dont l’injection est douloureuse, et qui n’est pas remboursé SS.

Il faut souligner que le type et la voie d’administration doivent être choisis par la personne concernée, ne serait-ce que pour assurer une bonne observance.

La surveillance du traitement hormonal

Médecin et patient hommeUne surveillance régulière du traitement doit être instituée au bout de 3 mois, puis de 6 mois, et ensuite tous les ans. C’est à la fois un examen clinique du patient et des analyses biologiques :

Apprécier la justesse de la posologie : l’objectif est de restaurer un taux plasmatique de testostérone totale au moins égal à 3,5 ng/l. Ce taux doit être mesuré 2 à 4 heures après une administration percutanée, et à mi-chemin de la durée d’efficacité d’une injection IM.

Un surdosage peut déjà se manifester cliniquement : agressivité, prise de poids, érections intempestives… en sont les symptômes les plus habituels.

Apprécier l’efficacité du traitement : les symptômes du DT ne se corrigent pas tous en même temps : il faut jusqu’à 3 mois pour améliorer la qualité de vie, et jusqu’à 6 mois pour observer une restauration de l’humeur. L’amélioration des capacités sexuelles et la réduction de la masse grasse peuvent demander de 6 mois à 1 an de traitement : il faut donc persévérer.

Dépister les événements d’alerte : à la fois cliniquement (examen des seins, toucher rectal de la prostate) et biologiquement : le PSA doit rester inférieur à 1,4 et l’hématocrite à 54%.

Un traitement par la testostérone bien conduit n’augmente pas le risque de cancer de la prostate, même en cas d’hypertrophie bégnine de la prostate (adénome). Il n’augmente pas non plus celui de complications cardiovasculaires, au contraire : un déficit en testostérone constitue un facteur de risque pour ces maladies.

En conclusion

Le déficit en testostérone est une réalité à côté de laquelle il ne faut pas passer à la cinquantaine : on estime qu’il n’est pas dépisté dans 2 à 18% des cas. Il convient d’ y penser également en cas de maladies chroniques et aussi en présence d’états dépressifs : chez certaines personnes, ces états répondent même mieux à la testostérone qu’aux traitements chimiques antidépresseurs.

Ses symptômes ne sont pas spécifiques, et le diagnostic doit être épaulé par les dosages biologiques. En cas de doute persistant, un traitement d’épreuve est parfaitement indiqué, en l’absence de contre-indication. Le traitement d’un vrai DT est toujours efficace grâce aux préparations à notre disposition, à condition de persévérer sous une surveillance adaptée.