On sait aujourd’hui que l’activité physique est salutaire dans la lutte anti-âge mais à condition d’être modérée, sans excès et adaptée à chacun. Trop c’est n’est pas bon non plus.
Dans le livre III de l’éthique, le philosophe Spinoza, s’interroge : « L’expérience n’a jusqu’ici enseigné à personne ce que, grâce aux seules lois de la Nature (…) le corps peut ou ne peut pas faire (…). Car personne jusqu’ici n’a connu la structure du corps assez exactement pour en expliquer toutes les fonctions ».
Nous sommes tous uniques
Ce grand esprit avait, voilà trois siècles, déjà mis en exergue toute la complexité de la physiologie de l’organisme humain et, en particulier, toutes les difficultés à donner des conseils par rapport au bon fonctionnement de ce corps que l’on ne connaît toujours pas bien malgré le formidable bon technologique de ces dernières décennies.
Pour illustrer la justesse et l’actualité de la pensée de Spinoza, concentrons-nous sur un focus concernant le thème très couru en ce moment :
Le sport fait-il vivre plus vieux ?
L’Académie de Médecine, qui prône une prise en charge de l’activité physique par l’assurance-maladie, est formelle. Selon cette éminente Société il ne fait aucun doute que celui ou celle qui fait du sport a une forte probabilité de vivre mieux mais surtout plus longtemps. Elle se base pour cela sur une foultitude d’études tout à fait péremptoires quant au résultat final. Pour n’en citer qu’une, peut-être la plus fiable au vu du nombre de sujets suivis et de la densité des paramètres observés, l’activité physique régulière induit un allongement de la longévité de 14 ans. (1) A condition de n’avoir par ailleurs aucun autre facteur de risque cardiaque. Selon une autre étude (2) dite « Cardiovascular Liftime Risk Pooling Project », pratiquement aussi bien menée, cette augmentation de la longévité se confirme et ce quelque soit le poids de l’individu. Ce qui, avouons le, est quand même révolutionnaire tant les épidémiologistes ont insisté sur cette notion de surcharge pondérale qui, quoi qu’il arrive, devait nous faire mourir jeune en cas d’excès important.
L’étude PloS a porté sur plus de 650 000 sujets, vous avez bien lu, 650 000. Suivis pendant des décennies. Cette étude, évidemment Américaine, montre que l’activité physique est capable de multiplier les pains. Les miracles surviennent dès que l’on bouge, même très peu. Pas besoin, selon les auteurs, d’aller chercher à se défoncer en faisant du sport. La marche à pied à condition quelle soit faite d’un bon pas, et régulièrement est, par exemple, très efficace. Les résultats sont très bien détaillés.
La dose (recommandée d’ailleurs par le NIH américain) conseille au minimum, 2,5 heures par semaine d’activité aérobie modérée ou 1,5 heure par semaine de forte intensité. Pour ceux qui doublent la durée de cette activité, le gain d’espérance de vie est doublé. (4,2 ans) et, à l’inverse, pour les inconditionnels de la télé et des pantoufles qui ne font que la moitié de cette activité modérée le gain est moindre mais encore substantiel. Ce n’est plus du sport mais Bernadette Soubirous ! Et ceci en mangeant ce que l’on veut, car selon le Dr John Wilkins, promoteur de l’étude (3) : « L’exercice régulier augmente la longévité dans tous les groupes que nous avons examinés, chez les personnes de poids normal, celles en surpoids et chez les obèses ». ça c’est dit…
Tout est question de dose
A ce stade, à moins de subir un état dépressif grave, personne ne va résister à tâter du sport ou une petite activité physique et tant mieux. Mais, souvenons-nous de Spinoza…. Même en étudiant 650 000 sujets, on ne sait pas tout du corps humain. Car, beaucoup de sujets qui liront ces résultats d’études et qui déjà aiment le sport, vont en remettre une couche et multiplier les efforts.
Pas de raison, si nous avons bien lu dans le détail les conclusions, de se priver de vivre jusqu’à 100 ans et plus grâce à l’activité physique. Donc, course à pied tous les jours et vive Mathusalem. Ces différentes études incontestables ont été publiées mi-novembre 2012 et prises pour argent comptant.
Le 29 novembre une autre étude bien étayée a été publiée dans la célèbre revue Heart. Les deux auteurs, James O’Keefe et Carl Lavie, la concluent de la façon suivante: « Courir trop vite, trop souvent, et trop longtemps sert surtout à accélérer la progression vers la ligne terminale de la vie ». Allons bon….
Ces auteurs confirment qu’une activité physique comme la course à pied quotidienne de l’ordre de 30 à 40 minutes est très salutaire. Les accidents cardiovasculaires, les dépressions, la maladie d’Alzheimer, le diabète, certains cancers, voient leur fréquence diminuer de façon significative. Mais tout bascule au-delà du seuil des 40 minutes et la courbe redescend progressivement au fur et à mesure que le temps de sport dépasse cette limite des 40 minutes. Concernant le cœur et les vaisseaux, on entre même dans l’horreur.
Par exemple, on a pu montrer que le myocarde est un muscle comme un autre. Lorsque, après un effort on éprouve des courbatures dans les muscles des cuisses, ces douleurs correspondent à des micro-déchirures que l’on doit laisser cicatriser par du repos. Pour le muscle cardiaque, c’est exactement à l’identique. Après un effort intense, il faut le laisser cicatriser des microlésions durant une semaine. Sinon, ce tissu s’abîme définitivement et, après des années de pratique intensive, on voit apparaître des zones de fibrose qui exposent à de sérieux troubles du rythme, parfois mortels.
Et les radicaux libres…
De plus, l’exercice trop long et trop répété génère un stress oxydatif majeur. Toutes les fonctions organiques en prennent un coup. Les vaisseaux par exemple. Au lieu de les nettoyer comme on pourrait imaginer que peut le faire le sport, se trouvent bouchés ou partiellement obstrués par des plaques d’athérome qui ont grossi sous l’effet du stress oxydatif.
Cela a été bien montré chez les marathoniens réguliers. Pour les vétérans qui pratiquent des sports extrêmes (trop fort, trop longtemps, trop souvent), les cardiologues ont même décrit une pathologie cardiaque spécifique dite « maladie des Philippides » en référence au fameux soldat venu annoncer la victoire des grecs à Marathon après avoir couru 40 kilomètres et qui s’est écroulé mort après avoir crié « Niké ». Une constellation de pathologies se concentrent dans le cœur de ces Philippides.
Connais-toi toi-même
Tout cela est très déstabilisant. Pour lancer une information ou un conseil, il faut que tout soit simple et binaire. ça c’est bien, ça c’est mal et si vous voulez vivre longtemps voilà le programme exact. Un peu comme pour les régimes amaigrissants ou on peut manger de la compote de pomme mais pas de fromage. Alors, on aimerait bien que cesse cette valse de conseils contradictoires et que l’on sache exactement ce qu’il faut faire et ne pas faire. Et bien, c’est raté. Personne ne peut dire avec certitude et aplomb la thérapeutique exacte. Hippocrate n’avait pas besoin de méta-analyses pour conseiller son fameux « ni trop ni trop peu ».
Le sport est bon pour la santé mais des facteurs comme la fatigue, l’âge, l’intensité sont à analyser individuellement. Dès que l’on tombe dans l’excès (tous les jours, plus de 40 minutes, sans s’écouter, en négligeant la récupération, sans écouter son corps qui peut exprimer de mille façons le « trop ») on revient avec les mêmes risques que si l’on était sédentaire. C’est la fameuse courbe en U qui détermine bien des résultats dans la physiologie humaine et qui oblige chaque sportif à se connaître intimement mieux que les médecins qui étudient 650 000 sujets…
Références :
(1) JAMA 5/11/12
(2) PloS 6/11/12
(3) Quotidien du Médecin n° 9186
(4) Heart 29/11/12
pour prolonger la vie,il faut pratiquer la restriction calorique et30 min.de sport modéré comme le jogging,avec accélération cardiaque et transpiration;l’activité physique ne suffit pas
Tres bel article et si vraie cette notion de courbe en U pour tout. Moi-meme, Medecin du sport et anti-age, j’en ai fait trop et me retrouve avec une petite hypertrophie ventriculaire gauche
J’avais cru comprendre qu’il fallait au moins 30 minutes de course à pied par jour comme le faisaient les hommes de la préhistoire. Certains ont écrit que c’était la norme pour un être humain. Maintenant il est vrai que notre vie, notre alimentation et notre environnement ont bien changé. J’adhère quand meme : l’excès en quoi que ce soit, c’est rarement bon pour la santé.
ps. j’aime bien votre nouveu site. Merci