Visage exprimant la joie

L’impact négatif du stress sur la santé incite de plus en plus de chercheurs à s’intéresser aux bienfaits des émotions positives.

Apparues plus récemment dans l’évolution, celles-ci constituent sans doute un avantage évolutif pour les animaux que nous sommes.

Quand la psychologie devient positive

En effet, si la peur et la colère sont indispensables pour notre survie, ces émotions négatives ne sont utiles que pour répondre à un danger réel ou prévoir certains risques à long terme. En revanche, des émotions positives comme le contentement, la joie ou l’enthousiasme permettent de se projeter dans un avenir serein et, du coup, économiser de l’énergie et préserver une meilleure santé.
Plusieurs études, parfois réalisées sur des périodes de vingt à trente ans, le prouvent : les gens optimistes ont tendance à vivre plus longtemps et en meilleure santé que ceux qui se laissent envahir par le pessimisme. Apprendre à vivre dans le présent, ne pas se faire du souci inutilement pour des choses qui ne se produiront sans doute jamais, être capable de se réjouir du verre à moitié rempli au lieu de se lamenter à propos du verre à moitié vide. Ce sont les propositions du courant de la « psychologie positive », actuellement encouragée par l’American Psychological Association. memoireCar, la capacité de raisonner du cortex préfrontal (en particulier le gauche, impliqué dans la gestion des émotions positives) permet de prendre le recul nécessaire et, du coup, d’éviter de sombrer dans le piège de l’anxiété, du stress et de l’épuisement physique.

C’est tout un apprentissage. S’exercer à cette attitude positive semble provoquer de véritables remaniements du cerveau dans le sens d’une gestion émotionnelle plus équilibrée et, du coup, protège la santé psychique et physique des individus.

On sait aujourd’hui que le cortex préfrontal gauche est plus récent dans l’évolution du système nerveux que le cortex préfrontal droit. Or, le développement de l’embryon, du fœtus et du bébé retrace les différentes étapes de cette évolution. Il n’est donc pas étonnant que l’enfant doive attendre la maturation, plus tardive, du cortex gauche pour acquérir la capacité de relativiser ses émotions négatives.

Plus tard, devenu adulte, il développera sa réflexion, élaborera une philosophie, voire même des croyances religieuses, pour garder l’espoir face à l’adversité. Car c’est l’une des particularités de notre condition humaine, nous avons besoin d’échapper à l’absurde pour continuer à vivre. « Avoir l’espoir ne veut pas dire que nous pensons que les choses vont se produire bien, mais que les choses auront un sens », a écrit Vaclav Havel. Attribuer un sens aux évènements de notre vie paraît essentiel à notre survie. Ainsi, de nombreuses études mettent en évidence un accroissement de la qualité des défenses immunitaires en fonction des croyances positives des individus. L’humour, la propension à se réjouir et la capacité de faire confiance.

Ce sont là autant d’atouts en faveur de la guérison, intervenant notamment dans cet effet étrange que l’on appel « placebo ». Une capacité d’auto-guérison qui repose avant tout sur la suggestion et l’autosuggestion positive face à la maladie et à son traitement.

Penser en termes d’information

Longtemps niée, la possibilité d’une influence du psychisme sur la santé et la guérison n’est plus discutable. L’étude des liens psycho-neuro-endocrino-immunologiques apporte la preuve d’un continuum dans la transformation et la circulation des informations au sein de l’être humain.

Pourtant, il est encore difficile de conceptualiser la réunion des dimensions matérielles (le corps, ses mécanismes physiologiques et ses réponses émotionnelles) et immatérielles (la pensées, les croyances et les émotions vécues sous la forme de sentiments). Souvent notre langage se révèle approximatif pour décrire l’ensemble de notre expérience. Ceci est particulièrement vrai lorsque, nous exprimant en français, nous opposons le corps à l’esprit, oubliant au passage de préciser ce que nous entendons par l’esprit. De ce point de vue, le vocabulaire anglo-saxon est plus précis. Une précision très appréciable lorsqu’il s’agit de traduire des concepts d’une manière scientifique. Ainsi, par exemple, il paraît intéressant de pouvoir décrire les différentes dimensions de l’expérience humaine en parlant du corps (body), des émotions (soul), des pensées et des raisonnements intellectuels (mind).

Trois niveaux d’information qui du plus matériel (le corps) au plus immatériel (les pensées)emotion s’articulent autour d’un pivot central, véritable « cœur » de l’expérience humaine : les émotions, vécues dans le corps sous la forme de réactions physiques et traduites dans la pensée sous la forme de sentiments. Les émotions : lien entre le matériel et l’immatériel, dont l’étymologie latine (e-movere) nous rappelle que celles-ci mettent le corps et la pensée en mouvement. Les émotions qui constituent l’anima, l’âme (soul) qui anime le vivant.

Aborder l’indivisibilité de l’individu en termes d’information permet de suivre les chemins de l’évolution phylogénique du cerveau humain.

En effet, en plus d’être constitué de deux hémisphères, notre cerveau est le résultat d’une superposition de trois étages. Le plus ancien, qualifié de reptilien, intervient dans le maintien de l’homéostasie, équilibre indispensable du corps. Le plus récent, appelé néocortex, est le siège de nos capacités de raisonnements. Et, entre les deux, le système limbique ou cerveau mammalien préside à l’élaboration de l’émotion. Ainsi à travers nos trois niveaux de conscience – physique, émotionnel, intellectuel – l’information qui nous constitue se transforme et est traduite de la réalité corporelle à l’imagination, du matériel à l’immatériel.

La voie étant ouverte dans les deux sens, cette information peut aussi se métamorphoser de la pensée à l’action, de l’immatériel au matériel. Dans une perspective unitaire, nous découvrons que lorsque la circulation de l’information qui nous constitue est fluide, nous accédons à un quatrième état de la conscience : celui de l’expérience de l’esprit qui habite nos pensées, nos émotions et notre corps.

Ce « souffle » qui nous traverse, le spirit anglo-saxon, le spiritus latin. Cette conscience de tout ce que nous sommes dans l’instant. C’est précisément ce que proposent certaines spiritualités, véritables « sciences de l’esprit », en recommandant la pratique de la méditation. Présent à nous-mêmes dans l’instant, attentif à respirer en pleine conscience, nous apprenons alors à apaiser nos pensées. Automatiquement, cela rééquilibre nos émotions et détend notre corps. De récentes études montrent qu’avec le temps, la pratique méditative permet de stimuler plus facilement le cortex préfrontal gauche et, du coup, génère davantage d’émotions positives et stimule les défenses immunitaires.

Ainsi, après avoir analysé l’expérience humaine dans ses moindres détails, entre physiologie et psychologie, la science est en train de redécouvrir les liens qui permettent de remplacer les « ou » par des « et ». Notre compréhension des mystères du vivant y gagnera sans doute beaucoup.