bactéries dans le colonUne récente étude de la Faculté de médecine de l’Université McGill au Québec, vient de renforcer la notion d’importance du système digestif (en particulier la flore bactérienne intestinale) pour la longévité.

Rallonger la vie de mouches avec un symbiotique

Ne nous emballons pas ! En fait, cette étude, publiée sur nature.com, a été réalisée sur des mouches bien qu’on sache que ces mouches drosophiles sont un bon modèle d’expérimentation avec des chromosomes et des processus biochimiques proches de ceux de l’être humain.

Surtout, elles ne vivent que quelques mois, ce qui rend aisé et rapide l’observation d’effets sur leur durée de vie. De nombreuses études sur les drosophiles ce sont révélées applicables à l’homme, comme celles sur la restriction calorique et la longévité, par exemple (1).

Flore intestinale (microbiote) et longévité

Ces dernières années, beaucoup d’études scientifiques se sont intéressées à l’importance de la flore digestive sur la santé et notamment sur les maladies liées au vieillissement (1). Les résultats tendent à le confirmer, chez l’animal comme chez l’homme. L’équilibre de la flore intestinale est fortement lié aux maladies du vieillissement comme le diabète, Alzheimer, Parkinson, cancer, etc… (2)

L’emploi de probiotiques semble prometteur sur bon nombre de ces maladies, même si l’on est loin de bien les connaître et de tout comprendre sur ces habitants de nos intestins. Des résultats se voient déjà mais il faudra quelques années  pour maîtriser le sujet qui n’est pas simple. Pour seul exemple, le nombre d’espèces de bactéries, levures et autres bestioles peuplant notre système digestif, n’en finit pas d’augmenter car on en découvre régulièrement. De 400 espèces différentes, identifiées il y a quelques années, nous en sommes maintenant à plus de 1000. Caque individu en hébergerait environ 160 espèces (Inserm).

Des résultats spectaculaires avec un symbiotique

Ici, le professeur Satya Prakash, chercheuse en génie biomédical, a voulu tester l’effet d’une double supplémentation dans l’alimentation de mouches. Elle leur a donné une sorte de « symbiotique », deux substances agissant ensemble :

  • des probiotiques : il s’agit de « bonnes » bactéries destinées à rééquilibrer la flore intestinale
  • du triphala : c’est mélange 3 plantes, très utilisé en médecine ayurvédique, aux propriétés antioxydantes, drainantes et détoxicantes (l’amalaki, le bibhitaki et le haritaki). Ces plantes agissent ensemble mais aussi en synergie avec le probiotiques qu’elles nourrissent grâce aux fibres qu’elles contiennent. On appelle ces fibres des prébiotiques.

Les résultats sont surprenants : 60% de durée de vie en plus ! Ce n’est pas rien.

En parallèle, une diminution de fréquence de processus liés au vieillissement tels que l’inflammation, l’oxydation et l’insulinorésistance, impliqués dans la plupart des maladies dégénératives, a été observée. Enfin, la fonction des mitochondries est mieux préservée dans cette étude (il s’agit des organes qui produisent de l’énergie dans les cellules).

Cela semble trop beau pour être vrai et les chercheurs eux mêmes pensent que les résultats de la complémentation triphala/probiotiques sont majorés dans cette étude.

Néanmoins, ce n’est pas la première étude qui démontre l’action de probiotiques sur la longévité (3). Ici, les chercheurs concluent que cette association probiotique-triphala a un effet indéniable (« …ce mélange est un gage de santé et de longévité… ») et qu’elle pourrait bien améliorer des maladies liées au vieillissement comme l’insulino-résistance, l’inflammation chronique, les maladies cardiovasculaires ou neuro-dégénératives, voire le cancer…

Ce que nous retiendrons : microbiote et longévité

La flore digestive se déséquilibre en vieillissant

Le vieillissement est multifactoriel. On en connait beaucoup de mécanismes différents aujourd’hui, sans vraiment en connaître la cause première, s’il en est une.

Les modifications de la flore digestive que l’on constate avec l’âge (3 – 5 – 6) sont aussi multifactorielles : effets des polluants de l’environnement, du stress, des erreurs alimentaires répétées, de la prise de médicaments, de la sédentarité, etc… Dans la mesure où ce microbiote déséquilibré a, à son tour, un impact sur la santé et favorise divers troubles, nous parlons d’un cercle vicieux qui peut facilement mener à la maladie.

La bonne nouvelle est que l’on puisse rompre le cercle vicieux en intervenant sur le microbiote, en rééquilibrant la flore intestinale.

Les probiotiques, c’est vaste

bactéries Pas si simple, sur le millier de « bonnes bactéries » probiotiques connues, seules quelques unes ont vraiment été étudiées et sont employées dans les compléments alimentaires. Dans cet esprit, il est difficile de dire que les souches probiotiques qui ont eu un effet sur les mouches fonctionneront chez l’homme. D’ailleurs, l’étude ne mentionne pas la composition exacte des souches probiotiques.

Aujourd’hui, on commence à entrevoir des actions spécifiques de certaines espèces bactériennes : par exemple sur l’obésité ou sur la dépression. C’est un balbutiement et il est fort probable que ceci va évoluer très vite pour notre plus grand bien.

Les prébiotiques c’est plus simple

Pour faire court, disons que les prébiotiques sont des sucres complexes (des fibres le plus souvent solubles) que nous ne digérons pas mais que nos bactéries intestinales digèrent, ce qui leur permet de bien proliférer. Il s’agit des fibres de fruits, de légumes, de plantes, de l’inuline, de la pectine, du lactulose, des oligosaccharides, etc…

Les symbiotiques c’est intéressant

L’idée du symbiotique est de coupler le probiotique avec son aliment (le prébiotique) dans le même complément alimentaire. Ainsi, il semblerait, comme dans cette étude, que l’effet de l’association soit supérieure à la somme des effets de chaque composant.

On retrouve ici encore un des principes de l’Ayurveda qui ne nous a pas attendu pour proposer des « rasayanas » : mélanges complexes de plantes et d’aliments agissant en synergie. Ils améliorent l’immunité, la longévité et sont revitalisants.

Pour nous, le bon état de notre microbiote est primordial pour notre santé. Il est souvent mis à mal par notre mode de vie et c’est un des facteurs de mauvais vieillissement. Les médecines traditionnelles mettaient la digestion (et par force, l’alimentation) au premier plan pour notre santé, les études récentes sur le microbiote le confirment.

Restaurer ce microbiote ou le maintenir en bon état est certainement un gage de maintient de la santé donc forcément de longévité. Ce domaine est passionnant et nous réserve assurément des surprises. De là à dire que des probiotiques pourraient rallonger la vie chez des sujets ayant un bon état digestif , il y a encore un grand pas.

Et vous qu’en pensez-vous ?

L’étude : Longevity extension in Drosophila through gut-brain communication Susan Westfall, Nikita Lomis & Satya Prakash

1. Park, S.-H. et al. Comparative analysis of gut microbiota in elderly people of urbanized towns and longevity villages. BMC Microbiol 15, 49 (2015).

2. Diet, metabolism and lifespan in Drosophila. Matthew D.W.PiperaDanielleSkorupabLindaPartridgea – Experimental Gerontology Volume 40, Issue 11, November 2005, Pages 857-862

3.Le microbiote intestinal: une composante santé qui évolue avec l’âge Cherbuy C., Thomas M., Langella P. – Equipe Probihôte, MICALIS, INRA, Domaine de Vilvert

4. Improving healthspan via changes in gut microbiota and fermentation. – Keenan, M. J., Marco, M. L., Ingram, D. K. & Martin, R. J. – Age (Dordr) 37, 98 (2015).

5. Comparative analysis of gut microbiota in elderly people of urbanized towns and longevity villages. – Park, S.-H. et al. – BMC Microbiol 15, 49 (2015)

6. Gut microbiota, host gene expression, and aging. – Patrignani, P., Tacconelli, S. & Bruno, A.J Clin Gastroenterol 48(Suppl 1), S28–31 (2014).

7. Claesson, M. J. et al. Composition, variability, and temporal stability of the intestinal microbiota of the elderly. Proc. Natl. Acad. Sci. USA 108 (2011).