manque de soleil égal baisse de vitamine D

Depuis 2009, la vitamine D (cholécalciférol) est à la mode. Des études soulignent l’importance des carences, en particulier dans les populations du nord du globe. En même temps, de nombreux médecins se sont mis à la prescrire largement. Sommes nous réellement en danger ou est ce une alarme sonnée trop tôt ? Info ou intox ?
Essayons d’y voir clair : quels sont les faits ?

Rôle de la vitamine D pour la santé

Cette vitamine (cholécalciférol) est liposoluble et se dissout donc dans les graisses, pas dans l’eau. Principalement, elle régule le métabolisme du calcium et du phosphore : absorption au niveau intestinal, fixation osseuse, niveau sanguin et élimination rénale… Ces minéraux sont utiles pour une bonne minéralisation des os, cartilage, dents, etc… D’autre part leur concentration sanguine intervient dans de nombreux métabolisme, et en particulier neuromusculaires. VitamineD2

Les carences en vitamine D peuvent être à l’origine de décalcifications osseuses, rachitisme, troubles de l’excitabilité neuromusculaire, tétanie, spasmophilie… Avec l’âge, et aussi la ménopause, la carence en vitamine D favorise l’ostéoporose.

Ce n’est que depuis une vingtaine d’année que l’on a compris les rôles multiples du cholécalciférol au niveau des cellules de notre corps. Ils dépassent le métabolisme du calcium que l’on connaissait jusque là. La vitamine D intervient aussi dans :

  • les défenses immunitaires
  • la fonction thyroïdienne,
  • la pression artérielle,
  • la protection des neurones et de l’athérosclérose,
  • la production d’insuline…

Elle est souvent qualifié d’hormone plutôt que vitamine car :

  • elle est fabriquée dans le corps (dans la peau), à partir du cholestérol comme les hormones stéroïdes
  • elle doit être activée en calcitriol pour intervenir sur les tissus
  • il existe des récepteurs spécifiques au calcitriol dans les intestins, les reins, les os et d’autres tissus, notamment pour contrôler les niveaux de calcium et de phosphate.

L’alimentation pourrait couvrir un tiers des besoins mais c’est notre peau qui en fabrique la plus grande partie lorsqu’elle est exposée à la lumière du jour.

Peu d’aliments contiennent des quantités importantes de vitamine D. Ce sont essentiellement des aliments riches en matières grasses tels que les poissons de mer gras (la fameuse huile de foie de morue). On trouve aussi la vitamine D en faible quantité dans les viandes, abats, champignons…

Ce que disent les études scientifiques

Dans certains pays peu ensoleillés, Belgique, Canada…, le manque de vitamine D toucherait près de 90% de la population.

Des études récentes montrent qu’un bon taux vitamine D diminuerait le risque de certains cancers et de maladies cardiovasculaires. D’autres soulignent qu’elle aurait un rôle dans la prévention du diabète et de maladies auto-immunes.

Maladies cardiovasculaires et vitamine D

L’American Heart Association en 2009 montre que le risque de décès par maladie cardiovasculaire est corrélé aux carences de vitamines D avec des taux très bas (inférieurs à 15ng/ml de sang).

La vitamine D protégerait de l’athérosclérose (1) et interviendrait dans la pression artérielle (2).

Cancer et vitamine D

L’OMS et le Centre International de Recherche contre le Cancer reconnaissent que le lien entre risque de cancer colorectal et la carence en vitamine D est bien documenté par de nombreuses études.

Beaucoup d’études ont démontré que des taux sanguins suffisamment hauts de vitamine D réduisaient le risque de cancer colorectal mais aussi du sein, prostate… De même, une étude américaine du National Cancer Institute montre que les populations vivant dans les zones plus ensoleillées présenteraient moins de risque de cancer de la prostate et du sein que les autres.

Une autre étude a d’ailleurs démontré que la prise de 1100 UI de vitamine D par jour pendant 4 ans a réduit le risque de cancer chez 1180 femmes ménopausées.

Autres maladies liées au manque de vitamine D

La Société canadienne de Pédiatrie dit que « la carence en vitamine D est liée à l’ostéoporose, à l’asthme, aux maladies auto-immunes (telles que la polyarthrite rhumatoïde, la sclérose en plaques et les maladies inflammatoires de l’intestin), au diabète, à une perturbation du fonctionnement musculaire, à la résistance à la tuberculose et à la genèse de types précis de cancer.

La vitamine D jouerait aussi un rôle dans la modulation de maladies auto-immunes comme la sclérose en plaque (3).

Des études montrent que les risques de démence sénile et d’Alzheimer sont plus importants chez les personnes carencées en vitamine D.

Les controverses sur son utilité

D’autres scientifiques ne sont pas du même avis.

Le Dr Sylvie Demers (« Le mythe de la vitamine D – Rétablir la vérité sur les hormones ») pense que l’on s’attache à doser la forme de stockage de la vitamine D (calcidiol) et non sa forme active (calcitriol), ce qui serait plus judicieux et plus significatif d’après elle. Elle affirme que les carences en vitamine D active sont en fait rares et que les études sont surtout des études d’observation et pas des études cliniques, apportant donc peu de preuves scientifiques.

Difficile de dire dans quelle mesure ces affirmations sont pertinentes ou non. Toujours est-il que les résultats d’études, en général, sont à prendre avec précaution. En particulier, les études d’observations peuvent être biaisées. Par exemple, qui dit que les sujets carencés en vitamine D ne sont pas généralement carencés en d’autres vitamines ou nutriments essentiels ? Les problèmes de santé évoqués ne peuvent-ils pas aussi être liés à ces autres carences (ou encore à d’autres facteurs corrélés) ?

Certaine études sont d’ailleurs contradictoires sur l’effet protecteur de la vitamine D et n’en relèvent parfois aucun bénéfice (6)(7). Il a été aussi démontré que des taux très élevés de cette vitamine favoriseraient l’apparition du cancer de la prostate mais cela ne veut pas dire que relever des niveaux trop bas de vitamine D est inutile.

Notez aussi qu’il n’y a pas de réel consensus sur les niveaux sanguins optimaux. Les avis divergent sur le type de dosage. En médecine fonctionnelle, il est courant de dire que les taux seraient trop bas en dessous de 60 ng/ml de sang. Une méta-analyse (Garland 2007) montre qu’au dessus de 52 ng/ml le risque de cancer est réduit de 50%.

Soleil et vitamine D

soleil et vitamine DRappelons-nous que la vitamine D est surtout produite à partir de notre cholestérol, au niveau de la peau, sous l’effet des rayons UV du soleil. L’exposition uniquement estivale, de beaucoup d’entre nous, crée un petit stock qui est épuisé après 1 ou 2 mois.

De plus, les campagnes anti-soleil nous apprennent les risques de l’excès de soleil et nous incitent à nous en cacher. Le problème est qu’entre des heures au bord de l’eau en plein été et une exposition régulière de quelques dizaines de minutes tout au long de l’année, il y a un monde. Ne passons pas d’un extrême à l’autre.
Il est évident qu’aujourd’hui (et encore plus dans les pays nordiques) l’exposition de notre peau au soleil n’est plus ce qu’elle a été pour l’homme pendant des millénaires.

L’homme ancestral ne manquait pas de vitamine D. Il ne s’allongeait pas au soleil pendant des heures au mois d’août mais il vivait peu vêtu, voire quasi nu. Il passait la plus grande partie de son temps dehors où il était plus ou moins exposé aux UV selon qu’il fût en forêt ou pas.

Une minute d’exposition du corps entier au soleil équivaut à une synthèse de 1000 UI de vitamine D. C’est dire si cette production est importante.

En pratique, 15 mn d’exposition à la lumière du soleil d’une partie du corps, 2 à 3 fois par semaine, suffirait à combler nos besoins pour une peau claire (il faut un peu plus pour une peau foncée ou noire). Arrêtons de diaboliser le soleil et d’exagérer sur ses méfaits. A ces doses là, il est salutaire. Il faut bien faire la différence avec les vrais excès dus à certaines conditions climatiques ou aux séjours de vacances à la plage ou à la neige.

Alors, quand doit-on prendre de la vitamine D ?

Comme dans tous les domaines médicaux où les études se contredisent, nous conseillons le retour aux valeurs sures :

  • il faut d’abord respecter la nature et un mode de vie sain, notamment avec des activités en extérieur,
  • quand on suspecte fortement une carence (selon les symptômes comme décalcification, hypothyroidie, tétanie, ostéoporose, spasmophilie, etc…) ou quand on l’a vérifiée sur des analyses de sang répétées, il est légitime de supplémenter en vitamine D,
  • on y pensera lorsque l’alimentation est très pauvre en graisses animales et surtout chez les sujets peu ou pas exposés au soleil (surtout en période hivernale dans les pays froids).

On peut éventuellement considérer les risques d’apparition de diabète, cancers et maladies cardiovasculaires (terrain familial, antécédents, environnement…). Ceci étant, prendre systématiquement de la vitamine D3 pour prévenir le cancer, l’infarctus du myocarde ou la grippe… est aberrant. Il faut d’abord vérifier un manque.

Les risques de surdosage en calciférol sont faibles (seulement en dessus de 30000 à 40000UI par jour sur de longues périodes). Cependant on ne connaît pas vraiment les effets de taux élevés à très long terme. Restons donc modérés.

Apports recommandés quotidiens (AQR – VNR)

Bien qu’ayant été revues à la hausse par 3 fois (0,015 mg au lieu de 0,005 mg en 2016), ces quantités quotidiennes préconisées semblent encore bien en dessous de la réalité pour certains scientifiques et médecins.

Des chercheurs de l’Université de Californie pensent que la quantité de 400 UI par jour (recommandée en France il n’y a pas si longtemps) était largement sous-évaluée. Le Pr C. Garland (Californie) pense même que la dose quotidienne de 4000 à 8000 UI permettrait de réduire de moitié les risques de maladies comme la sclérose en plaque, le diabète et certains cancers. Il est fréquent de préconiser 6000 voire 10000 UI/jour en médecine fonctionnelle. Ce sont des avis parmi d’autres.

Les sources d’apport en vitamine D sont assez rares (surtout les poissons gras, le beurre, le foie d’animaux…) et les quantités de vitamine absorbée sont faibles. Le soleil serait donc, en quelque sorte, notre source la plus sure de vitamine D, naturelle et gratuite.

Voici, les apports recommandés en Europe en 2017 (1 µg = 40 UI) :

Tranche d’âge

Apports conseillés (µg/jour)

Enfants 1-3 ans

10

Enfants 4-12 ans

5

Adolescents 13-19 ans

5

Adultes

15 µg (soit 600 UI)

Personnes âgées

10

Femmes enceintes et allaitantes

10

Des sources alimentaires de vitamine D

Principales sources vitamine D pour 100g (calcul en mg)
Huile de foie de morue 250
Foie de morue, cru 100
Oeufs de cabillaud, fumés 27,2
Hareng fumé, au naturel 22
Truite cuite au four 15
Fromage à pâte molle 15
Maquereau, frit 12,3
Sardine, grillée 12,3
Hareng, grillé/poêlé 10,8
Sardine à l’huile 10,8
Saumon, cuit à la vapeur 8,7
Maquereau, rôti/cuit au four 7,72
Maquereau, mariné 7,3
Saumon fumé 5,45
Champignon, chanterelle ou girolle 5,3
Truite d’élevage, fumée 5,2
Thon, au naturel 5,08
Graisse de canard, dinde ou poulet 4,8
Anchois au sel (anchoité, semi-conserve) 4,6
Poisson cuit (aliment moyen) 3,54

Conclusion : la voie du milieu encore et toujours

Accabler un possible manque de vitamine D de tous les maux est, bien sûr, exagéré même si cette dernière est impliquée dans de nombreuses fonctions du corps. Reléguer sa supplémentation à un effet de mode est tout aussi absurde.

Il convient donc de ne pas sous-estimer cette carence, de la vérifier et d’en suivre les effets sur les symptômes ressentis (amélioration ou pas?). La médecine et la santé ne se réduisent pas à des chiffres

Enfin, devant des études parfois contradictoires, il convient de s’abstenir de tout comportement dogmatique, d’être ouvert au fait que chaque personne est particulière dans son état de santé et dans son fonctionnement, et que les « normes » en dosage comme en quantités administrées sont plus variables qu’on ne le croît.

 

Bibliographie

  1. Latic N, Erben RG. Vitamin D and Cardiovascular Disease, with
    Emphasis on Hypertension, Atherosclerosis, and Heart Failure. Int J Mol
    Sci. 2020 Sep 4;21(18):6483. doi: 10.3390/ijms21186483. PMID: 32899880;
    PMCID: PMC7555466.
  2. McMullan CJ, Borgi L, Curhan GC, Fisher N, Forman JP. The effect of vitamin D on renin-angiotensin system activation and blood pressure: a randomized control trial. J Hypertens. 2017 Apr;35(4):822-829. doi: 10.1097/HJH.0000000000001220. PMID: 28033130; PMCID: PMC5893307.
  3. Galoppin M, Kari S, Soldati S, Pal A, Rival M, Engelhardt B, Astier A, Thouvenot E. Full spectrum of vitamin D immunomodulation in multiple sclerosis: mechanisms and therapeutic implications. Brain Commun. 2022 Jun 30;4(4):fcac171. doi: 10.1093/braincomms/fcac171. PMID: 35813882; PMCID: PMC9260308.
  4. Constans T, Mondon K, Annweiler C, Hommet C. – Vitamine D et cognition chez le sujet âgé. Psychol Neuropsychiatr Vieil. 2010 Dec;8(4):255-62. Review. French. PubMed PMID: 21147664
  5. J.Yves Dionne : Les bienfaits de la vitamine D, un mythe ?
  6. Bolland MJ, Avenell A, Grey A. Should adults take vitamin D supplements to prevent disease? BMJ 2016;355:i6201
  7. Theodoratou E, Tzoulaki I, Zgaga L et al. Vitamin D and multiple health outcomes: umbrella review of systematic reviews and meta-analyses of observational studies and randomised trials. BMJ 2014 ; 348 doi: http://dx.doi.org/10.1136/bmj.g2035
  8. Kara J. Pepper, Suzanne E. Judd, Mark S. Nanes, Vin Tangpricha – Endocr Pract. Author manuscript; available in PMC 2009 May 18. Published in final edited form as: Endocr Pract. 2009; 15(2): 95–103. doi: 10.4158/EP.15.2.95 – EVALUATION OF VITAMIN D REPLETION REGIMENS TO CORRECT VITAMIN D STATUS IN ADULTS